Revidents : Le visiteur
Depuis deux ans, Revidents parcourt l’Europe. S’arrêtant dans une dizaine de pays, le spectacle a reçu partout un accueil enthousiaste. Joint en Belgique où sa compagnie participe à un festival, ALVIS HERMANIS, metteur en scène et directeur artistique du Jaunis Rigas Teatris, de Lettonie, nous en parle.
Avec Revidents, Alvis Hermanis et son équipe présentent Le Revizor de Nicolaï Gogol, en version légèrement modifiée: coupures, ajout de quelques scènes puisées dans les écrits de l’auteur. Pièce créée en 1836, Le Revizor présente un groupe d’habitants d’une petite ville qui, attendant la venue d’un inspecteur du gouvernement, paye la traite à un imposteur qu’on prend pour le fonctionnaire redouté.
Alvis Hermanis a situé l’action dans une cantine soviétique, dans les années 70. "Gogol a écrit ce texte au milieu du XIXe siècle; je n’ai aucune idée de la manière dont les gens vivaient alors. Par contre, je connais bien les années 70, puisque c’est l’époque de mon enfance. D’autre part, même si Kafka est considéré comme un des premiers auteurs modernes, je pense que c’est plutôt Gogol qui a commencé à utiliser la méthode de la déconstruction, et qu’il est le premier auteur de l’absurde, bien avant la génération de Beckett. Il me semble aussi que ce monde très fantasmagorique de Gogol s’est, d’une certaine façon, matérialisé en Union soviétique, quand je me rappelle à quel point la vie elle-même était vraiment fantasmagorique, absurde et, en même temps, tragi-comique. En Union soviétique, la vie était devenue comme un jeu bizarre: même si on savait que c’était un jeu, on devait suivre les règles qui régissaient la vie dans une société communiste. C’était vraiment très étrange."
La direction donnée par le metteur en scène à la pièce de Gogol correspond bien, semble-t-il, à l’esprit de l’œuvre et de son auteur. Meyerhold, metteur en scène russe, l’avait, lui aussi, bien comprise lorsqu’il fit de cette pièce, en 1926, "une tragi-comédie de la peur et du désir" (B. Picon-Vallin). Hermanis acquiesce. "Meyerhold est peut-être le premier à avoir utilisé la clef appropriée pour ce texte, car Gogol lui-même était plutôt insatisfait de la façon dont cette pièce était montée à son époque. On en faisait une simple comédie superficielle, alors qu’on y présente plutôt, il me semble, une situation existentielle."
"Un autre malentendu important au sujet de cette pièce, c’est que ses personnages étaient considérés comme misérables, risibles. Je ne suis pas d’accord. Nous avons voulu que les personnages soient aussi humains que possible, et que les gens puissent s’identifier à eux, sur le plan émotionnel. Je crois sincèrement que l’art devrait établir avec le public un contact fait d’énergie positive; je ne crois pas vraiment à la violence, ou à l’agression comme moyen de communiquer avec le spectateur."
Le metteur en scène, cependant, s’interroge sur ce que les gens, à l’étranger, comprennent du spectacle. "Le théâtre est un art relié tellement profondément avec le contexte local que de le présenter à l’étranger ne me semble pas très naturel. Et parfois, je crains qu’il y ait un grand malentendu, même quand les gens aiment la pièce. Comment les gens d’autres pays peuvent-ils entrer en communication avec notre spectacle? Pour moi, c’est toujours un très grand mystère", conclut l’artiste.
Du 21 au 23 mai
Au Grand Théâtre
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