Denis Marleau : Songe d’une nuit d’été
Réflexion sur la maladie et la mort, la plus récente création de DENIS MARLEAU transpose à la scène une nouvelle méconnue d’Anton Tchekhov. Créée en mars dernier à Mons en Belgique, Le Moine noir s’arrêtera bientôt à Montréal, après un passage à Québec dans le cadre du Carrefour International de Théâtre.
Par un après-midi de l’été 1893, Tchekhov se réveille en sursaut après qu’un moine vêtu de noir lui soit apparu en rêve. Dans les jours qui suivent, afin d’exorciser cette image bouleversante, l’écrivain dont la santé se détériore rédige Le Moine noir, une nouvelle occupant une place tout à fait singulière dans son œuvre imposante. Bien qu’il emprunte aux thèmes fantastiques chers à la littérature de l’époque, ce récit atypique constitue une pénétrante réflexion sur la maladie mentale; un univers dont le symbolisme prédestinait une rencontre avec les pratiques artistiques de Denis Marleau. "J’ai tout de suite été frappé par la présence étonnante du surnaturel dans cette nouvelle, dit le directeur de la compagnie UBU. Cette figure énigmatique du moine s’éloigne radicalement des habitudes tchékhoviennes. Un peu comme ça s’était produit avec Maîtres anciens et Les Trois derniers jours de Fernando Pessoa, cette trame romanesque m’a incité à vérifier son potentiel dramatique, à en tenter l’adaptation." Non seulement André Markowicz et Françoise Morvan confirment les intuitions du créateur, mais ils acceptent de retraduire la nouvelle pour offrir une matière première plus fidèle à l’original.
Au centre de cette fantasmagorie se trouve le personnage de Kovrine (Sébastien Dutrieux), un jeune philosophe venu retrouver à la campagne une sérénité perdue. Vont l’accueillir un horticulteur nostalgique qui fut autrefois son tuteur (Gilles Pelletier) et sa fille Tania (Anne-Pascale Clairembourg). Autour d’eux gravitent une soprano (Marie-Danielle Parent) et un violoniste (Charles-Étienne Marchand) dont les sérénades (signées Denis Gougeon) accompagnent les apparitions du moine (Louise Naubert) venu troubler la quiétude de Kovrine. Déterminé à quitter le naturalisme pointilleux dans lequel on cantonne habituellement Tchekhov, Denis Marleau ne s’est pas privé de pousser plus loin ses expérimentations technologiques afin de traduire sur scène l’onirisme recherché: "J’ai tenté de faire en sorte que le public soit convié à la beauté du spectacle. Pour ce faire, j’ai imaginé un espace du songe, un esthétisme orientalisant dans lequel il me semblait cohérent d’ancrer cette nouvelle pétrie d’ambiguïtés et de passionnantes zones d’ombre. Comme je suis à la recherche de l’essentiel au théâtre, d’une certaine vérité qui subsiste, j’aime bien procéder par décantation. Je refuse ainsi de sous-estimer l’intelligence du spectateur en donnant tout à voir, en participant à cette culture digeste qui se développe de plus en plus couramment." Voilà un parti pris qui honore ce créateur dont le talent ne cesse de traverser les frontières.
Du 26 au 29 mai
À la Salle Ludger-Duvernay du Monument-National
Leitmotiv
Créé en 1996 par le Théâtre des Deux Mondes, le drame musical multimédiatique Leitmotiv est de passage à Montréal après avoir parcouru la planète. Conjurant les atrocités de la guerre, le spectacle orchestré par Michel Robidoux et Daniel Meilleur semble atteindre l’universel. En effet, le succès de cette réalisation défendue par Caroline Lavigne, Martin Rouleau et la mezzo-soprano Noëlla Huet réside – outre les grandes qualités artistiques qu’elle présente – dans sa triste actualité. Il semble que dans la vingtaine de pays visités, les spectateurs reconnurent leurs tragédies dans les percutantes images dont la production est tissée. À la Cinquième Salle de la PDA, jusqu’au 22 mai. Info: (514) 842-2112.