Je ne sais pas si vous êtes comme moi : Maudit bordel
Scène

Je ne sais pas si vous êtes comme moi : Maudit bordel

Quoi de plus intriguant qu’une filature dans un monde inconnu? Voilà ce que propose la Cellule Lumière Rouge issue de la célèbre compagnie Mise au Jeu. Véritable voyage organisé dans le milieu de la prostitution, leur création pose un regard sur la théâtralité in situ.

C’est avec Nancy Roberge et Martine Laliberté que Marie-Claude Gamache a créé la Cellule Lumière Rouge. "Nous avons ressenti le besoin de développer une branche encore plus artistique qui ne répondrait plus à des commandes de l’extérieur mais plutôt à nos envies, tant artistiques que sociales, explique cette dernière. Nous étions fascinées par le travail du sexe parce c’est un monde qui frôle le nôtre tous les jours. Et puis, nous avons réalisé que le milieu de la rue est le mal-aimé de la prostitution, il dérange."

Les trois créatrices ont alors croisé la route de Marianne Matte lors de leurs expéditions sur le terrain. "Nous étions des éponges, nous nous laissions imprégner, raconte Gamache. Nous avons parlé avec beaucoup de gens et nous avons rapidement découvert une affinité artistique avec Marianne. Le scénario s’est finalement écrit à quatre."

Marianne Matte a effectivement une expérience du milieu dont la Cellule ne pouvait se passer. Ancienne travailleuse du sexe durant quinze ans, Matte travaille maintenant comme intervenante pour l’organisme Cactus. "Je ne faisais pas partie de la Cellule Lumière Rouge, mais par contre je faisais partie du Red Light, lance en boutade celle qui a été rédactrice en chef d’un journal de rue puis performeuse dans diverses soirées de poésie. Je crois qu’il faut donner la parole à ceux qui connaissent le milieu de l’intérieur. Cette pièce ne veut pas tant sensibiliser les gens que leur permettre d’avoir accès à un milieu qui leur est souvent inaccessible et sur lequel ils se font des idées préconçues. Avec cette pièce, j’ai un peu l’impression de vous emmener chez moi."

La métaphore est appropriée puisque la création prend la forme d’une expédition pédestre dans le quartier Centre-Sud. À l’image du collectif Farine Orpheline, (c’est d’ailleurs Éric Forget Lapointe qui conçoit la bande sonore), les spectateurs sont invités à déambuler seul ou en duo, munis d’un baladeur servant de guide et menant à des endroits insoupçonnés. "C’est davantage une expérience à vivre qu’autre chose, indique Matte. Nous avons travaillé des ambiances, accumulé des témoignages et des images. Ça donne un résultat très dense."

Mais l’intérêt de ce "road" artistique tient sans nul doute dans le métissage réalité et théâtralité. De vrais témoignages chevaucheront les textes poétiques ou les narrations fictionnelles. Outre ces textures sonores superposées, des acteurs viendront troubler le parcours des spectateurs. "On a voulu créer les personnages le plus près possible de la réalité, explique Gamache. Nous avons découvert un réseau amical étonnant sur la rue Ontario, tout le monde se parle! La notion d’interaction se devait d’être très importante dans notre création. Le spectateur est invité à mettre son baladeur sur pause lorsqu’il se sent interpellé."

Mais l’aspect docu-fiction ne s’arrête pas là. En médiatrice marginale, Matte s’amuse à impliquer les gens de la rue durant les représentations. Sans rien vouloir révéler, on prédit qu’il sera possible de choisir la trame fictionnelle ou l’événement réel selon l’envie du moment. "Le spectateur est guidé dans un monde, mais il est libre de choisir le niveau d’exploration qu’il recherche. La prostitution est un monde de théâtralité en soi. On joue un jeu, on personnifie quelque chose et la frontière est volontairement floue…" conclue-t-elle. Aguichant.

Du 1er au 19 juin, départs aux 15 minutes
Réservation obligatoire au 871-1020