Hamlet le Malécite : Le petit prince
Scène

Hamlet le Malécite : Le petit prince

Alors que le festival Présence autochtone annonce ses couleurs à l’ONF, la compagnie de théâtre Ondinnok présente ces jours-ci une adaptation d’Hamlet signée Yves Sioui Durand et Jean-Frédéric Messier entièrement interprétée par des acteurs amérindiens dans un espace de l’American Can. Une façon de nous rappeler que les viols de culture ne se font pas seulement sur les autres continents.

Dans un espace urbain rappelant la trilogie de Binamé, Ondinnok joue sur le questionnement qui surgit au sein même des communautés autochtones. Comment juger les résultats d’un métissage inévitable de cultures alors que le mensonge et l’appât du gain viennent brouiller les consciences? En faisant la découverte du texte de Shakespeare, Dave, un jeune Amérindien, tracera des parallèles entre la quête de vérité du prince du Danemark et la sienne. Fils d’un ancien grand chef mystérieusement noyé, il verra sa mère convoler en justes noces avec un homme dont les aspirations se bornent à la bière et aux vidéos salaces. La communauté sera alors menée par les ambitions mercantiles d’un jeune Amérindien rêvant de faire sa vie hors de la réserve.

Si le propos demeure fort pertinent (aucune certitude quant à l’intégrité de chacun, de quel côté que ce soit du débat), on s’étonne de la faiblesse des choix artistiques de Messier. L’émotion que les acteurs réussissent à nous transmettre malgré les obstacles de la langue ou l’absence d’une technique de jeu solide ne trouve pas écho dans la vision esthétique du metteur en scène. Le fait de garder le véritable nom de Dave Jenniss sur scène nous laisse à penser qu’une mise en abyme aurait pu être plus finement exploitée. Au contraire, la théâtralité un peu figée accentue les lacunes des acteurs. Néanmoins, la frontière entre composition et tribune personnelle pour ceux-ci constitue une force de frappe indiscutable. À ce titre, la troublante Marjolaine Mckenzie, endossant le destin d’une nouvelle Ophélie, coupe le souffle par sa capacité à nous dévoiler une détresse bouleversante d’authenticité. Les applaudissements ont des résonances politiques. Résolument nécessaire.

Jusqu’au 19 juin
À l’American Can
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