La Pudeur des icebergs : Casser la glace
Scène

La Pudeur des icebergs : Casser la glace

Le mercredi 2 juin, DANIEL LÉVEILLÉ nous dévoilait La Pudeur des icebergs, sa plus récente chorégraphie. Une première solide.

Ceux qui avaient vu sa dernière pièce, Amour, acide et noix (2001), ont pu reconnaître en la nouvelle création de Daniel Léveillé ce style un peu froid, austère, qui renvoie à la simplicité et au dépouillement. Mais si cette récente œuvre a des points en commun avec la précédente – comme la nudité franche et sculpturale, la précision spatiale, l’absence de préparation au mouvement et le caractère flegmatique des corps dansants -, elle semble relever d’un plus grand développement structural. Car le texte chorégraphique est davantage déplié. Les transitions sont davantage que des ruptures catégoriques; on assiste à des entrecroisements enchaînés d’une grande efficacité. La progression rythmique des séquences met en place un crescendo d’intensité assez subtil pour qu’on ne voie pas arriver les punchs gestuels. Comme cette fin de pièce parfaitement orchestrée qui survient sans qu’on l’ait vue venir, mais qui s’impose telle une vérité profonde.

Malgré l’aspect stoïque des corps, on peut sentir – à partir du milieu de la pièce – ce qui pourrait s’apparenter à la présence d’un volcan sous la neige: le sol tremble, mais la blancheur immaculée reste en place et perpétue le règne du vide émotif. Aussi, une résistance au risque imminent est constamment maintenue par les interprètes pour récupérer de situations périlleuses mises en place par le chorégraphe. À ce compte, voilà notre seule fenêtre sur la vulnérabilité de l’être: ce combat contre un déséquilibre qui se renouvelle à chaque pas, à chaque tour, à chaque saut…

Une telle œuvre a le potentiel de nous transporter dans un non-lieu intemporel où le sens provient essentiellement du non-dit. Ceux qui ont su dépasser le rôle de voyeur anonyme – dans lequel nous installe confortablement la convention spatiale de la salle à l’italienne – ont peut-être alors saisi le voyage au cœur du paradoxe humain que nous propose Daniel Léveillé. Un paysage primitif où l’Homme côtoie l’animalité qui l’a mis et maintenu au monde, et où il tente d’apprivoiser l’Autre sans commettre l’homicide de son individualité, qu’il a pris des millénaires à s’approprier.

Jusqu’au 13 juin
Au Studio de l’Agora de la danse
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