Échos du Fringe : Fruits du hasard
Scène

Échos du Fringe : Fruits du hasard

Il ne reste que quelques jours pour plonger dans la folie du Fringe, le plus éclectique de nos festivals. Repères.

Voilà, le Fringe est déjà largement entamé… Je me suis offert, comme à mon habitude, un petit marathon de la représentation, afin d’orienter votre regard (ou non) sur quelques créations diffusées lors du festival. Procédant selon la tradition Fringe, j’ai moi aussi laissé intervenir le hasard dans le choix des spectacles qui ont fait partie de mon répertoire. Parmi ceux-ci, un "coup de cœur", un "coup de pouce", un "coup de pied au derrière" et un "prix citron".

D’abord, mon "coup de cœur" revient à la formation Tziporah, dirigée par Aviva Fleising, qui nous a présenté un show divertissant très bien monté, dans une esthétique mélangeant la BD, la culture hip-hop, le clownesque, la poésie et les arts visuels. Des tableaux miniatures, présentés avec brio par un personnage mi-fille, mi-nounours, s’enchaînent les uns aux autres dans un tourbillon rythmique très collé à une écriture chorégraphique riche et travaillée, mettant en valeur le talent indéniable des interprètes. Comme par exemple cette danseuse africaine vêtue de blanc, dont la résonance corporelle s’est très vite répandue dans toute la salle, faisant se trémousser nos petits derrières jusqu’alors bien enfoncés dans les fauteuils rembourrés du Théâtre d’Aujourd’hui.

Certes, il ne s’agit pas là d’une création allant vers une quelconque profondeur ontologique, même si quelques bulles poétiques tentent naïvement d’induire une réflexion sur le passage de la musique à travers le corps humain. On est davantage en face d’un show grand public, aisément présentable au Festival Juste pour rire. Aussi – et pour cela bravo! -, c’est la première fois que je vois les danses associées à la culture hip-hop si bien sorties de leur contexte de performance habituel.

Mon "coup de pouce" va à Natalie Bouchard, jeune artiste formée en architecture qui a eu l’audace de présenter une installation vivante alliant le mouvement aux bruits sonores et visuels de la ville. Une représentation intelligemment livrée sur les lieux d’un stationnement extérieur, un lieu d’itinérance où étaient exploités un mur garni de graffitis, une clôture, des voitures stationnées, des passants, la musique des boîtes de nuit avoisinantes, un ciel d’été… Espace libre et ouvert sur une multitude de stimulations qu’on ne retrouve pas à l’intérieur de cette grosse boîte noire – en retrait du monde – qu’est la salle de spectacle. À découvrir…

Mon "coup de pied au derrière" va au collectif Éluzion qui, avec sa pièce Clara, devait nous offrir une fusion entre illusionnisme et danse contemporaine. Or, nous avons eu droit à un spectacle mal rodé où les trop rares tours de magie comportaient des ficelles si grosses que notre regard fixait davantage les coulisses que la scène. De plus, il était difficile de sentir une fusion entre danse et illusionnisme tant la trame poético-narrative, qui aurait pu établir un lien solide, manquait de cohérence et de développement. On sent que l’intention de départ est bonne, mais on est malheureusement loin du résultat escompté. Il reste donc pas mal de pain sur la planche…

Finalement, mon "prix" est décerné à la performance dansée et actée Joe… This Infinite Universe de l’Américain Louis Kavouras. Quoique le monologue de l’acteur Michael Lugering soit tout à fait remarquable, le tissu chorégraphique qui tente de soutenir le propos est plutôt indigeste, voire cheesy, comme nos amis anglos le disent si bien. Or, je suis critique de danse… c’est pas de chance! Car il semble que les aspects théâtral et vidéo aient, au départ, le potentiel de tenir la route.

Info: (514) 849-3378 ou www.montrealfringe.ca

Jusqu’au 20 juin