Rencontre Gradimir Pankov : Gestes d'ouverture
Scène

Rencontre Gradimir Pankov : Gestes d’ouverture

Quand Gradimir Pankov parle de danse, on a l’impression de voir des danseurs s’agiter au bout de ses gestes. À la veille de la présentation de Minus One au Théâtre de Verdure, le geste se faisait ample, et l’œil, brillant.

Le directeur artistique des Grands Ballets Canadiens de Montréal, dont on sait qu’il n’hésite pas à bousculer les idées reçues sur le ballet, paraît fou de joie à l’idée de proposer une œuvre majeure aux badauds du parc La Fontaine. Pour lui qui veut inscrire les GBCM dans le courant de renouveau des institutions des sphères dites "classiques", ce même courant qui amène plusieurs grands orchestres à ne pas dédaigner les programmes plus populaires, cette série de spectacles gratuits rencontre tous les objectifs. "Certains croient qu’une compagnie de ballet doit se concentrer sur le répertoire classique, soutient le directeur, en poste depuis quatre ans. Moi, je pense que notre rôle est avant tout de donner de bonnes performances, dans le registre contemporain comme classique, et de surprendre aussi le public, de l’initier à de nouvelles avenues; de l’élargir autant que possible. Jusqu’à maintenant, le public nous suit de manière formidable dans nos expérimentations, y compris ceux qui fréquentent les GBCM depuis longtemps."

Prendre l’air
Tout le monde a besoin de prendre l’air, peut-être plus encore les institutions de prestige. La sortie de cette semaine comporte-t-elle des défis techniques particuliers? "Il y a une scène que nous ne faisons pas à l’extérieur, ce ne serait pas possible techniquement, explique Gradimir Pankov. Mais pour le reste, c’est la version intégrale de Minus One, sauf que le contexte rend la présentation très différente. La tombée du jour, par exemple, va avoir un effet particulier, un peu imprévisible, sur les tableaux [les représentations débutent à 20 h 30]." Les danseurs des GBCM doivent-ils adapter beaucoup leur travail? "Avant tout, ils adorent ça. Jouer en plein air ne modifie pas tellement leur performance technique, mais le rapport à l’espace est différent. En salle, toute l’énergie déployée par les danseurs est en quelque sorte contenue par les murs. Dehors, une part de cette énergie s’envole. Je dirais qu’il faut déployer davantage pour créer le même effet. Sans trahir la chorégraphie, bien sûr!"

Gradimir Pankov a discuté de cette version avec Ohad Naharin lui-même, de passage à Montréal la semaine dernière pour voir comment sa chorégraphie réagissait au grand air. "Nous en avons parlé, très ouvertement. Il ne prend pas ce genre de projet à la légère, Ohad Naharin. De plus, je tenais à ce qu’il rencontre les six nouveaux danseurs de la troupe – je procède ainsi avec tous les chorégraphes avec lesquels nous travaillons, d’ailleurs, que j’invite à venir séjourner à Montréal deux fois l’an."

Tout ça, c’est la manière Gradimir Pankov. Une manière qui porte ses fruits: Minus One a cumulé les louanges partout au Canada, aux États-Unis et plus particulièrement en Allemagne, de même que les spectacles récents avec des chorégraphies de Mats Ek, Nacho Duato et Jirí Kylián, applaudis à tout rompre au récent Jacob’s Pillow Festival, au Massachusetts. "C’était fou là-bas, raconte le directeur. Les gens se précipitaient vers nous après les représentations pour nous dire combien ils avaient aimé. J’ai le souci particulier de faire voyager la troupe, de faire résonner ailleurs l’incroyable dynamisme artistique de Montréal."

Montréal ne demande pas mieux.