À surveiller: Caroline Binet, Biljana Srbljanovic, Hugues Frenette et Isabelle Thivierge : À surveiller – théâtre
Caroline Binet
En mars dernier, le Théâtre Denise-Pelletier nous proposait l’étonnant Tout le monde en "lever de rideau" d’Iphigénie. Le chœur de 15 minutes créé à partir d’un texte de Maxime-Olivier Moutier avait alors tellement charmé la critique que la production principale en avait été presque éclipsée. Eugène Théâtre et la metteure en scène Caroline Binet venaient de faire une apparition remarquée dans le décor théâtral montréalais.
La comédienne et metteure en scène n’en est pourtant pas à ses débuts sur la scène artistique. Véritable touche-à-tout, Binet joue entre autres sous la direction de Jean Asselin (Le Silence, Omnibus) et de Oleg Kissieliof (La Leçon de Ionesco, DivingHorse) après avoir obtenu son diplôme de l’École nationale de théâtre en 1995. Elle rafle également le prix Québec-Wallonie-Bruxelles pour sa mise en scène d’Un volcan sur le balcon et participe au Festival des courtes pièces du NTE à titre de dramaturge avec le texte La Fuite.
Bref, Caroline Binet réussit tout ce qu’elle entreprend, démontrant une polyvalence prometteuse. On la retrouve cet automne parmi les metteurs en scène du projet collectif Les hommes aiment-ils le sexe, vraiment, autant qu’ils le disent?, la production ouvrant les célébrations du 25e anniversaire de l’Espace Go. À surveiller de près.
Biljana Srbljanovic
Née à Belgrade en 1970, Biljana Srbljanovic termine l’écriture de sa première pièce en 1997. Dès sa création, La Trilogie de Belgrade suscite une forte réaction sur les scènes de toute l’Europe. En 1998, Histoires de famille fait entrer la jeune Serbe au rang des plus implacables voix de la dramaturgie contemporaine. À la fois poétiques et incisives, ressortissant autant de la révolte que du désespoir, les cinq pièces qu’elle a écrites jusqu’ici témoignent d’une étonnante souveraineté idéologique et formelle. Traduite en 20 langues et fréquemment récompensée, cette farouche opposante au régime de Milosevic pose un regard radical sur la société. Dans un discours prononcé en 1999, celle qui refusa de quitter la capitale yougoslave lors des bombardements de l’OTAN affirme: "Je suis un être humain dont on a volé l’identité." En octobre, dans la Salle intime du Prospero, le metteur en scène roumain Theodor Cristian Popescu signera la création québécoise d’Histoires de famille. Auscultant la dépouille d’une société postcommuniste, cette partition interroge non seulement la situation politique de la Serbie-Monténégro, mais toute la cartographie du monde dans lequel nous vivons. Les personnages sont des enfants qui jouent aux adultes parce que, c’est bien connu, la vérité sort de leur bouche. En une dizaine de tableaux chaotiques et grotesques, la pièce fait entendre une mise en garde que nous aurions tout intérêt à écouter.
Hugues Frenette
Le public de Québec l’encense déjà à notre insu, mais voilà que Hugues Frenette risque de fouler plus souvent les planches montréalaises. Le jeune acteur sera de la distribution de Lentement la beauté, pièce ayant obtenu le prix Production Québec au dernier Gala des Masques, écrite et mise en scène par Michel Nadeau et présentée cet automne au Théâtre d’Aujourd’hui. Il partagera également la scène avec Sylvie Drapeau alors qu’il interprétera le troublé Stanislas dans la pièce L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, mise en scène par Marie-Thérèse Fortin et présentée un peu plus tard cette année.
De la distribution de la pièce L’Impératrice du dégoût de Lorraine Côté, présentée au dernier Carrefour international de théâtre, mais également de La Trilogie des dragons de Robert Lepage, Frenette ne cesse d’accumuler les rôles dans la vieille ville. À Montréal, on l’a néanmoins vu dans Les Mains bleues au Théâtre d’Aujourd’hui et dans Trainspotting au Théâtre de Quat’Sous, sous les directions respectives de Martin Faucher et de Wajdi Mouawad.
Interprète de l’emblématique Philippo Ragone dans la dernière mouture du Roi boiteux de Jean-Pierre Ronfard, présentée à Québec par le sympathique Théâtre des Fonds de Tiroirs, Frenette risque de devenir ici aussi le jeune acteur dont le nom est sur toutes les lèvres…
Isabelle Thivierge
Isabelle Thivierge n’est pas de celles qui claironnent. La double bachelière (en théâtre et en création littéraire) privilégie le théâtre de recherche dès sa sortie de l’université alors qu’elle est dramaturge pour l’événement 38 du Théâtre Urbi et Orbi au Théâtre d’Aujourd’hui, en 1996. L’auteure et metteure en scène de la pièce Beau duo pour un tango, présentée à l’Espace Libre en 1997, nous revient cet automne avec la mise en scène de son texte Marcher quand tout le monde dort à l’Espace Geordie, une exploration qui allie le jeu corporel et le texte. "J’ai écrit ce spectacle sur le thème de la solitude urbaine à partir d’un atelier d’improvisation avec les acteurs, explique Thivierge. Il s’agit d’un portrait à la fois dramatique et humoristique de cinq personnages précis, mais aussi de personnages anonymes qui s’exprimeront essentiellement par le jeu corporel."
Interprète chez Omnibus (on l’a vue notamment dans Beautés divines de Jean Asselin, en 2000), Thivierge fut également de la distribution du superbe Tsuru d’Anne-Marie Théroux (Carbone 14) à titre de marionnettiste. Elle s’envolera d’ailleurs pour le Japon au printemps prochain avec le Théâtre de la Dame de Cœur. Mais d’ici là, la cofondatrice des Lundis des mois creux du Théâtre Alambic à l’Espace Libre ne manque pas de projets d’exploration et promet des ébauches de créations sous peu. "Toutes ces expériences m’ont entraînée dans une exploration de la cohabitation du mime et de la manipulation d’objets ou de marionnettes." Gardons l’œil ouvert.