TOHU – Les 7 doigts de la main : C'est aussi ça, le cirque
Scène

TOHU – Les 7 doigts de la main : C’est aussi ça, le cirque

Les 7 doigts de la main, le secret de moins en moins gardé de la relève québécoise en cirque, a l’insigne mandat d’inaugurer TOHU, la flambant neuve Cité des arts du cirque.

Un loft… et sept flâneurs. Dans ce huis clos, ils s’observent, s’obstinent, s’écoutent, se surprennent, se découvrent les uns les autres et se retrouvent, eux-mêmes, dans l’émerveillement comme dans les petits gestes et dans l’intimité de l’ordinaire. Ces sept colocataires sont interprétés par des jeunes pourtant peu ordinaires: ils ont parcouru le monde, ils chantent, ils dansent, font de la musique, du fil de fer, de l’acrobatie et ils jouent. Ils sont le résultat de colossales sommes de travail, d’une discipline de fer et d’un abandon total à leur art. Ils ont tous fait partie de différentes troupes de cirque importantes. Ils se nomment Les 7 doigts de la main et ils vont inaugurer la TOHU, cette première salle circulaire au pays destinée aux arts du cirque.

Un peu dans la même situation que les colocataires du spectacle, les membres de la troupe ne se connaissaient pas réellement lorsqu’ils se sont rencontrés en 2002, avec en tête l’idée de créer une œuvre circassienne. Bien sûr, ils se connaissaient de réputation, s’étaient croisés à l’École de cirque, dans les tournées du Cirque du Soleil, du Cirque Éloize ou encore dans les cabarets en Allemagne. Leurs expériences passées et leurs formations se rejoignaient, se complétaient. Ils avaient à peu près le même âge et ils étaient rendus là: monter leur propre spectacle et explorer des formes nouvelles. Bref, casser le moule et évoluer.

"Après une semaine d’échanges entre nous, dit Samuel Tétreault, se dégageait déjà fortement l’essence du projet: une volonté de faire quelque chose de plus intime, de plus personnel, et de démystifier les gens du cirque (car pour le spectateur, l’artiste est souvent présenté comme un demi-dieu). Nous voulions faire quelque chose d’ancré dans le quotidien." Enfant, Samuel rêvait de garder les buts dans la Ligue nationale de hockey, ou encore de participer aux Olympiques. L’homme de 29 ans, qui a remporté plusieurs prix et distinctions dans les festivals d’Asie et d’Europe, ne nie pas l’importance de l’argent dans les choix de direction pour toute création de cirque, mais il insiste pour dire que le spectacle a d’abord été créé dans un désir d’épuration. "Nous voulions aller dans la simplicité et être plus proches de nous-mêmes. Nous avions envie d’explorer des choses que nous n’avions pas beaucoup faites: pour certains, il s’agissait de jouer de la musique sur scène, pour d’autres, d’approfondir le côté théâtral ou de travailler avec les nouveaux médias, avec la vidéo, d’utiliser nos voix, d’avoir des textes, de danser davantage. Finalement, de ramener ça à ce qui nous semblait l’essentiel des arts du cirque: l’être humain, le corps humain, les relations humaines."

QUITTER LE NID
Si cette œuvre a déjà été montée en 2002, il s’agit ici d’une version plus festive pour marquer l’inauguration du lieu. "Cette salle-là va être un catalyseur puissant pour la relève. Nous, on devient un peu un modèle pour les jeunes de l’École de cirque (située également sur le site de la Cité des arts du cirque) car les artistes québécois formés ici, jusqu’à maintenant, sont obligés de s’exiler. Le travail est beaucoup à l’étranger, étant donné l’absence de lieux de diffusion… Avec TOHU, les choses devraient changer. Nous avons donc invité des gens de la relève et d’autres parmi les premiers porte-flambeaux du cirque à contribuer au spectacle." Il y aura des contorsionnistes du célèbre quatuor Nouvelle Expérience et de Saltimbanco, comme il y aura Denis Lacombe, le clown chef d’orchestre. "De plus, pour mélanger les genres, il y a des gens comme l’auteur-compositeur-interprète Yann Perreau qui s’ajoutent à la brochette d’invités."

Le paysage circassien québécois évoluant à un rythme ahurissant, Les 7 doigts peuvent maintenant s’assurer de bâtir un public, de tourner ailleurs au Canada et de se produire dans des lieux comme les théâtres. La pérennité est envisageable: "Je pense que, tranquillement, on arrivera peut-être à avoir des œuvres de répertoire pour le cirque comme on en a en danse et en théâtre." Pour ça, il faudra que ces œuvres ne soient pas axées sur les gadgets qui, en plus de vieillir, sont inaccessibles financièrement pour la majorité des compagnies. "Sans le Cirque du Soleil, c’est clair, on ne serait pas là! Mais maintenant, il faut aussi voir les alternatives au lieu de toujours prendre les mêmes modèles." Et où se situe le cirque québécois à l’échelle internationale? "On a notre personnalité, mais on a beaucoup à gagner en fréquentant ce qui se fait en Europe, on a beaucoup de maturité à acquérir. Et il faut développer des créateurs de cirque au lieu de toujours chercher les experts ailleurs, dans d’autres disciplines."