Jacques Laroche : Le temps des bouffons
Jacques Laroche confie: "Quand tout le monde va dans une direction, j’aime bien aller dans l’autre sens." En signant la mise en scène d’Amour et Protubérances, c’est exactement ce qu’il fait.
Satirique, la pièce de Marcelle Dubois, créée ces jours-ci par le Théâtre Les Porteuses d’Aromates, parle de l’amour, du couple, du mariage. Particularité de la production: elle est jouée par des bouffons. C’est d’eux, en grande partie, que vient le regard moqueur posé sur l’amour humain.
On voit rarement le bouffon sur nos scènes. Il fait partie, comme le clown et la marionnette, de formes moins souvent exploitées au théâtre, auxquelles Jacques Laroche s’intéresse beaucoup. "J’aime bien ces formes qui ont une grande théâtralité. Avec elles, aucun doute possible: tout de suite, on sait qu’on est au théâtre."
Peu de gens connaissent bien le bouffon. Même pour Jacques Laroche, il reste encore assez mystérieux. Il a pourtant fait, après sa formation au CADQ, terminée en 1993, un stage à Londres avec Philippe Gaulier, artiste s’intéressant particulièrement à ce domaine. "Le bouffon, ça reste toujours un peu flou; il n’y a pas de livre qui existe avec les règlements du bouffon… En plus, il est différent selon chaque acteur. De travailler avec lui, c’est tout un défi, mais c’est tellement passionnant! En fait, j’en parle comme si je connaissais bien ça, mais moi aussi, c’est comme si je me promenais avec une lanterne. C’est sûr que j’ai une base; mais je découvre bien des choses au fil du travail, et avec les acteurs."
Alors que le clown amuse et charme par sa candeur, le bouffon, lui, provoque plutôt un malaise. Laid, difforme, il a en plus une intelligence, une perspicacité que n’a pas le clown, qui le met "au-dessus de la mêlée". Et qui lui confère, découvrent Jacques Laroche et ses comédiens, un regard critique aiguisé.
"Le bouffon vient sur scène pour rire des spectateurs. Ça prend une vive intelligence mais en même temps, il ne faut pas qu’il soit agressif. Physiquement, il est un peu bossu, un peu tordu: on essaie de s’éloigner le plus possible de l’humain. Il n’entre pas dans le jeu: il ne vit jamais à 100 % ses douleurs, il les expose au public. En plus, ces espèces de bosses-là font qu’il ne peut pas bouger de façon quotidienne. C’est très beau, en fait. Parfois, aussi, on va dans le grotesque. Tout prend une dimension plus grande; le rire et la poésie surgissent de là. Pourtant, même si les bouffons sont physiquement différents, on reconnaît les personnages: ils nous parlent de nous, et de nos amis."
Jouer un bouffon, pour un comédien, peut s’avérer difficile. "C’est un fil très ténu. Pour y arriver, il faut accepter de ne pas toujours avoir le contrôle. Alors, il se crée comme une zone de mystère, qui est très riche pour le spectateur parce qu’elle lui laisse une grande part d’imagination. J’ai hâte que les gens voient ça. C’est quelque chose d’étrange, d’assez rare, et j’ai l’impression qu’il y a un message qui passe. Le monde dans lequel on vit est plein de contradictions et d’absurdité: en fait, on vit une époque extraordinaire pour le bouffon."
Jusqu’au 2 octobre
À Premier Acte
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