Nicole : État second
Scène

Nicole : État second

Nicole ouvre d’exquise manière la saison d’Espace libre et du NTE.

Tenter de dépeindre l’insolite, mais ô combien réjouissante, aventure que Stéphane Crête et son complice Didier Lucien ont concoctée entre les murs d’Espace libre constitue un véritable défi. Au sortir de cette bouleversante rencontre avec Nicole – un spectacle débridé qui repousse les limites du concevable au théâtre -, on ose à peine y croire. Si l’incapacité des créateurs à utiliser des mots "de notre monde" pour décrire leur réalisation vous avait fait sourire, disons qu’un bref contact avec l’objet convaincra les plus sceptiques.

Non seulement les comparses ont-ils pleinement usé de la liberté offerte par le NTE, mais ils ont pris le terme "expérimental" au pied de la lettre. Coupant court à toute forme de linéarité, épousant la logique du plus fantaisiste des rêves, les concepteurs ont traduit sur scène les différents moments d’une descente au plus profond de l’inconscient. Nageant dans une matière pulsionnelle qui captiverait le plus blasé des psychanalystes, les deux comédiens exécutent (lire exorcisent) le moindre de leurs fantasmes scéniques. Du mime à la danse contemporaine, en passant par le combat, le stand-up, le monologue muet et les plus divers travestissements, ils s’en donnent à cœur joie et nous aussi. Évitant tous les écueils du morceau de bravoure, les partenaires ont veillé à ne jamais perdre l’intérêt de l’auditoire. Bien que l’ordre de ces instantanés semble totalement fortuit, l’ensemble acquiert une troublante logique interne, une cohérence articulant le plus total des chaos.

Assumant pleinement chacune des audaces de leur spectacle, Crête et Lucien convient avec autant de bonheur un nombre incalculable de conventions théâtrales et cinématographiques. Tout simplement désopilante, Guillermina Kerwin parvient non seulement à se mettre au diapason d’un univers aussi dingue, mais elle excelle dans le délicat registre de l’autodérision. Alors que les lieux et les costumes imaginés par Louis Hudon injectent la folie nécessaire aux différents stades de l’expérience, les lumières de Caroline Ross et l’environnement sonore de Stéphane Lafontaine suffisent à entraîner le spectateur dans un état second. Fort réussie, cette Nicole fait espérer que l’avenir réserve d’autres cartes blanches à ce fabuleux tandem.

Jusqu’au 25 septembre
À Espace libre
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