Evelyne de la Chenelière – Henri et Margaux : Un gars, une fille…
Scène

Evelyne de la Chenelière – Henri et Margaux : Un gars, une fille…

La pièce Henri et Margaux, Evelyne de la Chenelière l’a concoctée avec amour et avec l’aide de son amant Daniel Brière. Rencontre avec la douce-moitié…

Après avoir promené sa création en tandem dans différentes salles de la métropole, Evelyne de la Chenelière et son conjoint dans la vie comme sur scène, Daniel Brière, amènent leur "bébé" au Centre national des Arts. Produite par le Nouveau Théâtre Expérimental, dont Daniel est dorénavant codirecteur avec Alexis Martin, la pièce avait d’abord été accueillie et greffée à la programmation déjà en cours. Aveuglément, on a fait confiance au couple, qui s’est complètement isolé pour cette création, allant jusqu’à faire sa propre mise en scène, sa scénographie, etc. Seul Jean-Pierre Ronfard avait vu un enchaînement avant de présenter cette pièce, qui s’est avérée une bouffée de chaleur jouissive pour les spectateurs et la critique. "On avait décidé, pour la plus grande cohérence de notre projet, de faire tout à deux, annonce Evelyne. Alors, dès l’écriture, on a eu le sentiment de concocter un objet dont on serait entièrement responsables. C’est très excitant, mais ça rend aussi fébrile parce que ça signifie qu’il n’y aura aucun regard nous mettant en garde, comme le ferait un metteur en scène."

La trame est relativement simple: Henri célèbre ses 40 ans. Ancien acteur, il pratique maintenant l’ébénisterie. Margaux n’a pas 30 ans; ancienne dramaturge, elle est maintenant enseignante de français. Ensemble, ils partagent un amour singulier et s’entretiennent de leurs anciens métiers, de leurs frustrations, de leurs désirs…

"Notre projet est issu de plusieurs réflexions que nous avions, pas dans l’idée d’un projet théâtral, mais par rapport au fait d’être un couple de créateurs… On ne fonctionne pas exclusivement ensemble, mais quand on le fait, ça veut dire quelque chose dans le regard des autres, dans notre façon d’intégrer le théâtre à notre vie, à notre relation intime… À un moment donné, on s’est dit qu’on pourrait pousser ça plus loin avec un projet ayant comme fondement un couple de créateurs et d’explorer ce qu’est l’intimité sur scène…"

Ainsi, ils font jaillir des questions nageant entre le réel et la fiction: de quelle façon émane le véritable couple sur scène? Est-ce le couple réel qui s’embrasse ou le couple imaginaire? Comment recrée-t-on l’intimité sur scène?

"C’est un défi d’une part, mais surtout un luxe… Parce qu’on savait qu’on aimait jouer ensemble… La notion du couple est à écarter quand vient le moment de travailler habituellement… D’autres artistes, dans cette situation, auraient tout fait pour qu’on oublie qu’ils sont ensemble dans la vie. Or, nous avons décidé de faire l’inverse… de clamer haut et fort que c’est justement parce qu’on est un couple qu’on fait ce projet-là en particulier! Ensuite, la part de défi était de se dire: c’est ben beau, mais un couple, aussi charmant soit-il, ne fait pas nécessairement un bon show! Faut quand même pas se prétendre aussi intéressants!"

Ainsi, contrairement à une époque plus classique où l’illusion théâtrale était primordiale, les deux protagonistes se jouent du public en manipulant le cadre. Ils se sont donc amusés à alimenter le décor d’une grande page de texte, de jeux de miroirs, d’objets leur arrivant d’un système de poulies… Le texte fait également de nombreux clins d’œil autobiographiques, comme cette allusion aux Cerises qui fait plutôt référence à la pièce Les Fraises en janvier d’Evelyne. "À partir du moment où l’on sait que, de toute façon, c’est un jeu, on s’amuse! On a donc reproduit des moments où la confusion est très grande entre la fiction et on se rend compte que c’est dans la théâtralité elle-même qu’on est souvent le plus proche de la vérité."

Ainsi, ils n’ont pas embrassé la théorie d’André Gide qui dit que "c’est avec les bons sentiments qu’on fait la mauvaise littérature". Ils proposent plutôt l’histoire d’un couple en santé jouée par un couple en santé. "C’est charmant parce qu’à certains moments, on jouait et on voyait des silhouettes qui se lovaient l’une contre l’autre, se remémore Evelyne. Je crois que ça donne envie de se toucher, de s’aimer, peut-être une petite envie de faire l’amour aussi… Il y a aussi des gens qui pleurent… Ça appartient à tous les êtres humains, en couple ou non, le besoin de l’autre, du regard aimant sur soi, simplement et dans l’absolu…"

… ET LES ENFANTS!

Le prochain projet du couple sera présenté en novembre à l’Espace Libre où les concepteurs-interprètes offriront deux versions de leur nouvelle création. En effet, les mardis, mercredis et jeudis, le couple sera en tête-à-tête, alors que les vendredis et samedis, leurs quatre enfants – respectifs et communs, insiste-t-elle – les retrouveront sur scène. "Ce n’est pas une suite ou une exploration du même thème qu’Henri et Margaux, c’est une toute nouvelle expérience." Nicht retour, mademoiselle raconte l’histoire d’un homme d’affaires qui pense que pour obtenir le respect des clients, tout homme doit avoir une bonne histoire personnelle et émouvante à raconter. Il se laisse donc aller à son récit en pleine conférence, et les personnages prennent vie. "Ça n’a rien d’un reality show, c’est très loin de notre vie de famille, c’est une espèce de saga familiale qui nous fait voyager dans le temps. Je voulais que ça demeure une entreprise plaisante pour les enfants [âgés de 3 à 12 ans]. On a d’abord vérifié leur envie, ensuite on s’organise pour qu’il n’y ait rien de lourd, qu’ils aient le droit de changer d’avis. C’est pour vivre ça au moins une fois, probablement la seule d’ailleurs!" C’est à suivre… avec beaucoup d’intérêt!

Du 29 septembre au 2 octobre
Au Studio du CNA
Voir calendrier Théâtre