Le Cid : Éloge de la dignité
C’est un Cid très solennel, un peu hors du temps, que présente au Trident le metteur en scène Gervais Gaudreault.
Voir Le Cid, c’est assister à une histoire d’amour dont les nœuds presque inextricables plongent les amants Rodrigue et Chimène, ainsi que l’Infante de Castille, dans des déchirements sans fin. Habilement construite, la pièce de Corneille nous entraîne dans un monde où luttent honneur et amour, où on prend soin de sa réputation plus que de sa propre vie. Une fois cet univers accepté, Le Cid nous fait rencontrer des personnages d’une grande noblesse d’âme et de cœur.
La lecture de Gervais Gaudreault mise justement sur l’amplitude des sentiments, la profondeur des tourments qu’elle souligne, accentue, même. En témoigne le plateau dépouillé, qu’occupent seulement deux murs immenses, mobiles, que les personnages font pivoter, malgré leur taille, au fil de l’action. Tout l’espace est livré à la bataille de la tête et du cœur.
La distribution, en général, est d’un grand calibre, et la plupart des comédiens, dont Roland Lepage, en Don Diègue généreux et fier, Jacques Leblanc, imposant dans le rôle de Don Fernand, Denise Verville et Denise Gagnon, en gouvernantes dévouées, livrent des interprétations justes, nuancées. Jean-Sébastien Ouellette campe un Cid très amoureux et digne, et réussit brillamment, entre autres, le fameux – et difficile – récit de la bataille contre les Maures. Hélène Florent, en Chimène, a des mouvements saisissants dans la douleur et l’effroi, surtout dans ses scènes avec Rodrigue; Éva Daigle, enfin, incarne une Infante chez qui on sent très bien la passion contenue.
Certains passages, pourtant, sont moins réussis: statisme, maîtrise parfois moins heureuse du vers, débordements d’émotion fortement soulignés dans l’interprétation. Cette intensité du jeu rappelle, par moments, la tragédie grecque, mais ne semble pas toujours appropriée ici: dans la tragédie grecque, les mortels sont écrasés par les dieux, alors que les personnages du Cid, même aux prises avec de graves conflits, restent maîtres de leur destin. Si on peut s’interroger sur ce choix, il demeure que le spectacle, d’une grande beauté plastique, est servi par de solides comédiens, et représente une précieuse occasion d’entendre une langue riche, aux formules percutantes et à la grande musicalité.
Jusqu’au 9 octobre
Au Grand Théâtre
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