L'Impératrice du dégoût : Perle noire
Scène

L’Impératrice du dégoût : Perle noire

L’Impératrice du dégoût, de Lorraine Côté, convie à une forme assez inusitée au théâtre: polar, elle se double d’une plongée dans l’inconscient du personnage.

Le Maire Lajoie est retrouvé assassiné, une paire de ciseaux plantée dans le cœur. Tâchant d’élucider l’affaire, les inspecteurs Marleau (ou Marlowe?) et Juneau entreprennent d’interroger les sœurs Lajoie. S’en suit un défilé de personnages surprenants: Lucie, Brigitte, Victoria, Véronique et Mimi Lajoie, toutes incarnées par Lorraine Côté. À son travail minutieux d’auteure, forgeant pour chacune une personnalité bien dessinée et une façon précise de s’exprimer, elle ajoute son talent de comédienne pour sauter rapidement de l’une à l’autre, variant les attitudes, les intonations et même la voix. Ses deux vis-à-vis, Bertrand Alain en inspecteur qui dérape peu à peu, et Hugues Frenette en assistant attentif, discret mais efficace, sont eux aussi excellents.

L’atmosphère de polar passe beaucoup à travers ces inspecteurs typés et ces femmes mystérieuses, aux dépositions étonnantes, voire incriminantes, et aux attitudes suspectes. Mais elle est aussi transmise, en grande partie, par la scénographie (Christian Fontaine, Marie-France Larivière, Isabelle Larivière). Un plateau incliné devient, avec ses quelques meubles, l’image parfaite du bureau de détective: tout y est, même la fumée de cigarette. S’y ajoutent les très beaux éclairages de Denis Guérette: provenant surtout du plancher et des côtés, des faisceaux lumineux sculptent l’espace, isolant parfois un personnage, et créent une ambiance de film noir, pleine de mystère, dans laquelle on plonge avec un consentement amusé. Ce plaisir est rehaussé par la bande sonore de Pascal Robitaille, baignant le tout dans un climat d’étrangeté.

Tout autour du plateau, le noir: de là surgissent des personnages qui retournent ensuite à l’ombre, image de l’inconscient parfaitement liée à la pièce. La mise en scène (Michel Nadeau) et toute l’esthétique du spectacle se conjuguent pour servir à la fois la dimension policière du texte et son côté psychologique, dans un amalgame réussi.

Si l’univers dépeint est assez sombre, les personnages et leurs bizarreries, ainsi que plusieurs références pleines d’humour, amusent, souvent. Il y a du plaisir à se laisser porter par cette folie imaginative, par moments débridée et même, avouons-le, un peu déroutante. Mais on y sent aussi, très clairement, la détresse de certains personnages qui couve sous la fantaisie, s’ouvrant parfois sur des images un peu vertigineuses.

Jusqu’au 9 octobre
Au Théâtre Périscope