Betty à la plage : L'été meurtrier
Scène

Betty à la plage : L’été meurtrier

Avec Betty à la plage, le Théâtre de la Banquette arrière passe à l’attaque.

Louant une maison au bord de la mer afin de rompre avec l’incessante activité de la ville, Betty et Judy sont loin de se douter que leur séjour se transformera en un véritable enfer. Voilà la prémisse de Betty à la plage, une pièce de Christopher Durang créée à New York en 1999 que le Théâtre de la Banquette arrière propose dans une traduction habile de Jean-François Boily et une mise en scène enlevée de Patrice Dubois.

Si le réalisme suranné de l’environnement conçu par Marc Sénécal et Martin Labrecque évoque le théâtre d’été, l’entrée de Judy (délicieusement verbomotrice Sophie Cadieux) et de Betty (leste Amélie Bonenfant) chasse aussitôt cette confortable impression. Leurs banales discussions laissent poindre un sentiment d’étrangeté qui ira s’intensifiant. Les deux jeunes femmes, pas au bout de leurs peines, devront se coltiner de très inquiétants colocataires: un tueur en série (énigmatique Éric Paulhus), la mère hystérique de Judy (époustouflante Suzanne Marier), un inextinguible nymphomane (très convaincant Sébastien Dodge) et un incontrôlable exhibitionniste (furieusement libidineux Mathieu Gosselin).

En guise de critique, le texte procède à une apologie démesurée du sexe, du sang et de la violence. Parvenant à déclencher le rire en abordant des sujets tels que le meurtre, le viol, l’inceste ou la mutilation, certains passages atteignent un degré d’absurde irrésistible. Si elle fait quelques clins d’œil au cinéma d’horreur, la pièce traduit surtout la situation actuelle de la télévision américaine en faisant explicitement référence aux soap operas et aux reality shows. Ainsi, des téléspectateurs font entendre aux protagonistes leur satisfaction ou leur mécontentement. Assoiffées de criminalité, confondant allègrement fiction et réalité, ces voix réclament toujours plus de divertissement. Alors que la distribution déploie une énergie peu commune pour faire de cette charge contre le sensationnalisme à l’américaine une réussite, la partition de Durang laisse le spectateur sur sa faim. Le regard brutal qu’elle pose sur les mouvances inquiétantes de notre société a le mérite d’alerter, mais la pièce ne divulgue rien de très neuf et, surtout, ne propose pas l’ombre d’une issue, ce dont nous aurions bien besoin.

Jusqu’au 9 octobre
Au Théâtre La Licorne
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