Frédérick Gravel : L'homme et la machine
Scène

Frédérick Gravel : L’homme et la machine

Frédérick Gravel nous présente, au Studio 303, Du pittoresque en danse, dans la mienne en particulier… Une réflexion sur certains lieux communs de la représentation.

"Je relève ce qu’il y a de pittoresque en danse. Pour ce faire, j’agis un peu comme un guide touristique peut le faire dans un voyage organisé", m’explique le jeune chorégraphe-interprète sur un ton calme et réfléchi révélant une pointe d’ironie. "Dans ce genre de voyage, poursuit-il, tu peux être sûr que tout le monde va passer devant les mêmes bâtiments et que tous vont revenir avec le même genre de photos, à peu de différences près. Il y a donc des lieux communs qu’on peut difficilement éviter dans tout ce qui est institutionnellement organisé."

Comme dans les lieux de diffusion, par exemple. Le parallèle est assez facile à faire. Toutefois, Frédérick Gravel n’interroge pas seulement ces institutions, mais également la machine médiatique, qui ne met souvent en relief qu’un point de vue superficiel, en remâchant les mots qu’on lui sert à travers des dossiers de presse plus souvent qu’autrement régis par les lois du marché. Il place aussi un miroir en face du regard du spectateur, afin que celui-ci puisse se voir en train d’attendre passivement qu’on lui serve ce qui lui a été vendu à travers toute cette mythologie collective que la Grosse Machine Artistique a mise en place.

"Pour entrer dans les petites cases des lieux de diffusion, on te demande assez tôt, comme artiste, d’avoir un brand name. Chose qui, selon moi est plutôt contraignante dans un domaine où justement, le changement et l’évolution sont des moteurs. Pour ma part, mon brand name, c’est de ne pas en avoir. Et ça fait suer pas mal de décideurs."

Dans le même ordre d’idées, sa prochaine pièce sera très différente de sa précédente, L’Amour, This Is My Song (en duo avec Dave St-Pierre), qui a été présentée dans le cadre de Danse buissonnière (Tangente, 2004). "C’est comme lorsque tu fais un party avec des gens. Ça prend toujours la couleur de la relation que tu entretiens avec ceux-ci." Sa prochaine équipe: les interprètes Mathieu Campeau, Ivanna Milicevic, Caroline Gravel, Chantal-Catherine Lafleur et Sophia Gaspard, accompagnés par les musiciens Stéfane Boucher, Jez, Hugo Gravel et François Girouard. "Ils m’ont amené vers quelque chose de plus dansé. Cette fois-ci, ma réflexion passera donc davantage à travers le mouvement, par un questionnement sur la notion de virtuosité ou sur l’utilisation du duo frénétique typique, par exemple, qui sont des lieux communs en danse…"

La position volontairement ironique de Frédérick Gravel est un baume sur la plaie de tous ceux qui ont été, au moins un fois, écorchés par le système de sélection artistique. Mais il est aussi un moyen ludique, pour le public, d’apercevoir la main du marionnettiste qui dirige son regard, d’en prendre conscience et de se situer lui aussi à son tour. Une intégrité qui fait grand bien dans un milieu où la compétition féroce suscite davantage l’attitude contraire.

Du 24 au 26 septembre
Au Studio 303
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