Les Feluettes : La marche à l'amour
Scène

Les Feluettes : La marche à l’amour

Les Feluettes, de Michel Marc Bouchard, est un grand texte: on le savait. Preuve en est faite, une fois de plus, avec la mise en scène de Frédéric Dubois.

En début de pièce, en 1952, Monseigneur Bilodeau entre dans une prison pour entendre la confession de Simon Doucet. Cette confession prendra un tour inattendu: présentée sous forme de pièce de théâtre par les prisonniers, elle relate les faits survenus 40 ans plus tôt, à Roberval. L’évêque doit alors revivre des événements douloureux: une histoire d’amour, celle de Vallier et Simon, garçons de 19 ans au moment du drame, une histoire de jalousie, la sienne, et ses conséquences désastreuses.

Outre la réflexion, toujours d’actualité, sur l’intolérance envers l’homosexualité, Les Feluettes parle d’amour: de passion amoureuse, d’amour mère-fils, de la difficulté d’exprimer ses émotions. Elle traite aussi de la puissance de l’imagination: pour distraire, calmer la douleur, l’exorciser.

Le décor dans lequel se jouent les événements est simple; à mesure que se déroule la pièce dans la pièce, les éclairages changent, et avec quelques accessoires, on recrée les épisodes de 1912. Le décor terne de la prison semble s’élargir: on est captivé. La mise en scène de Frédéric Dubois, sobre et discrète, se concentre sur le texte et sur le jeu, par une direction d’acteurs subtile et pleine de profondeur. Car la parole et le sens, ici, sont véritablement portés par le jeu, rempart contre la réalité, en 1912 comme en 1952, mais en même temps, acceptation totale de ce qu’elle est, et plongeon dans ses profondeurs, aussi sombres soient-elles.

La plupart des comédiens, excellents, jouent avec intensité deux personnages: un prisonnier, et le rôle qu’il endosse. Dans le rôle des jeunes amants, Frédérick Bouffard et Benoît s’acquittent très bien d’une tâche, disons-le, assez ardue. Jeunes amoureux, ils doivent montrer la fébrilité et la force du premier amour, mais aussi la douleur, souvent retenue, de l’amour contrarié. Si leurs scènes d’intimité sont inégalement réussies, ils parviennent tous deux à exprimer clairement leur douleur, et se révèlent alors très touchants. Dans le rôle de la Comtesse de Tilly, mère de Vallier, Réjean Vallée offre une très grande interprétation, tout en subtilité, qui donne lieu à certaines scènes parmi les plus fortes du spectacle.

Le texte de Bouchard propose une relecture singulière, touchante et engagée du thème des amants séparés. Pour cette pertinence, pour l’hymne à l’amour, l’hommage à l’imagination que présente la pièce, et pour la qualité du jeu, Les Feluettes offre un rendez-vous à ne pas manquer.

Jusqu’au 16 octobre
Au Théâtre de la Bordée
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