Stephen Petronio Company : Légende urbaine
La Stephen Petronio Company monte sur les planches du Théâtre du Centre national des arts. Ce mardi, Ottawa attendra New York… avec impatience!
Taxis jaunes, Time Square, Central Park et… Stephen Petronio. Sans qu’il l’ait nécessairement cherché, celui qu’on a longtemps surnommé le mauvais garçon de la danse moderne s’est subitement vu affublé du titre d’icône de la ville la plus branchée de la planète. Bien qu’il n’y soit arrivé qu’à l’âge de 21 ans afin d’entamer sa vie d’artiste, New York l’adore. Et, comme il connaît trop bien la froide indifférence que peut opposer sa cité d’adoption à quiconque souhaite s’y tailler une place, Petronio fait en sorte de le lui rendre au centuple.
Gotham Suite, le triptyque qu’il présente à l’occasion du 20e anniversaire de sa compagnie, est mené de part en part par ce sentiment de tendresse infinie qu’il porte à l’égard de la Grosse Pomme. Une émotion qui peut au premier abord étonner quand on connaît le caractère plutôt trash du chorégraphe originaire du New Jersey… À commencer par le principal intéressé. Lorsqu’il parle de City of Twist, la pièce maîtresse de son spectacle, c’est avec une autodérision sidérante: "La première fois que j’ai vu le produit fini, il m’a semblé atrocement doucereux!" raconte-t-il dans un taxi qui file de la 42e Avenue au local de répétition, seul lieu où son cellulaire se trouve à l’abri des interférences. "Je ne pouvais m’empêcher de penser: mais New York est une ville tellement cruelle! Ces moments qui ont suivi le 11 septembre ont été extrêmement incongrus: les gens prenaient des nouvelles les uns des autres, ils s’entraidaient dans la rue, ce genre de choses. Pourtant, si nous sommes ici, c’est parce que nous sommes des êtres vicieux, sans-cœur et égoïstes qui ne pensent qu’à l’argent! Et c’est ce qui fait le charme de l’endroit!"
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’homme ne mâche pas ses mots. Et que s’il s’est assagi avec l’âge, ce n’est guère par perte d’intérêt pour la controverse, mais plutôt par désir de voir plus loin que le bout de ses chaussons. Ce soudain changement de perception qui émane de Stephen Petronio transparaît-il dans son œuvre? "J’ai appris à donner au moyen de la création ce que je livrais autrefois en passant par la destruction. Avant, j’entraînais le public dans mes délires sans hésiter. Aujourd’hui, je suis bien plus généreux… et beaucoup moins méchant!" De retour à Montréal après sept ans d’absence, celui qui affirme avoir honte de posséder un passeport américain promet de ne pas passer inaperçu. Si l’on se fie aux échos de la presse mondiale, impossible de rester de glace devant les œuvres au programme, que ce soit devant l’exclusif solo Broken Man, la mélancolique ode City of Twist ou le gothique Island of Misfit Toys, pièce dont l’univers sonore est signé par nul autre que Lou Reed. "C’est une chorégraphie crue, teintée de désir brut. Les Anglais ont adoré parce qu’ils apprécient mon agressivité. Mais en Amérique, ça n’a pas passé du tout! Le public me préfère plus calme." Et lui, comment se définit-il? "Je suis à la fois tendre et dégoûtant." Bref, un homme véritablement à l’image de sa cité: mélange de goudron… et de grandeur.
Le 5 octobre, 20h30
Au Théâtre du Centre national des arts
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