Anna in the Tropics : Pas de fumée sans feu
Scène

Anna in the Tropics : Pas de fumée sans feu

Anna in the Tropics nous entraîne dans un univers exotique et sensuel où fiction et réalité se confondent.

Avant l’ère des machines, un certain silence régnait dans les fabriques de cigares de Floride ou de Cuba. Les ouvriers roulaient les cigares selon la tradition, dans l’humidité des lieux. Aussi, les chefs d’entreprises engageaient des lecteurs pour divertir, informer et cultiver les employés, pour la plupart analphabètes, pendant qu’ils travaillaient. Le matin, on lisait des journaux hispanophones, des pamphlets politiques ou des bulletins sur le monde ouvrier. L’après-midi, on écoutait la lecture de romans. Les usines étant un univers masculin, la préférence littéraire allait aux intrigues policières, ou à Zola, évidemment, ou encore aux aventures de Cervantès. Signe des temps, les années 20 amenèrent les femmes dans les usines, et avec les femmes, les romans d’amour firent aussi leur entrée. Ils restèrent au programme jusqu’à la fin de cette pratique, en 1931.

Anna in the Tropics, une pièce du dramaturge cubano-américain Nilo Cruz lauréate du prix Pulitzer en 2003, nous emmène à Tampa en 1929. Un nouveau lecteur, charmant et bien habillé, commence son mandat avec Anna Karénine. À son insu, il devient le catalyseur d’une série de péripéties pour ses auditeurs. Transportés par la littérature de Tolstoï, les ouvriers s’y reconnaissent, et leurs propres vies, peu à peu, se voient troublées par le déroulement du roman.

C’est un fait divers qui donna naissance à Anna Karénine, le plus célèbre roman de Léon Tolstoï. La maîtresse du voisin du romancier russe s’était jetée devant le train après avoir appris la trahison de son amant. Sous le choc, l’écrivain avait d’abord ébauché le croquis d’une femme banale vivant dans le péché, pour ensuite faire le portrait d’une héroïne importante, empreint d’une dimension spirituelle et d’une force exceptionnelle. La pièce de Cruz, elle, emmène la littérature dans la réalité, jusqu’au fait divers tragique. Comme dans le roman russe, le quotidien banal des gens devient lumineux et beaucoup plus riche.

La pièce, mise en scène par Gordon McCall, est une belle réussite. À souligner, les prestations de Victoria Sanchez, de Tania Kontoyanni et de David McNally.

Jusqu’au 24 octobre
Au Théâtre Centaur
Voir calendrier Théâtre