Les Justes d’Albert Camus : Des hommes d’honneur
Olivier Aubin présente Les Justes d’Albert Camus, une pièce nécessaire posant un regard analytique sur l’idéologie terroriste.
Peut-on aller jusqu’à tuer des enfants pour renverser l’injustice? Olivier Aubin ne cache pas que les événements en Ossétie du Nord viennent teinter la réflexion de Camus. "On a presque peur d’avoir l’air un peu racoleur, affirme-t-il d’emblée, mais en même temps, on est obligés de constater la pertinence de la pièce." C’est que le texte de Camus expose le questionnement d’un groupuscule de terroristes russes tentant de choisir entre l’asservissement au tsar et le meurtre d’enfants innocents dans un attentat à la bombe.
"Ce serait mentir de dire qu’il n’y a pas de lien à faire avec la situation actuelle, ajoute Aubin. Mais il y a une morale dans le terrorisme relaté ici qui est plus facile d’accès que dans le terrorisme des Tchétchènes ou des islamistes fondamentalistes." Point de vue que partageait Pierre-François Legendre alors que Les Justes prenaient l’affiche au Théâtre de la Bordée à peine cinq mois après les événements du 11 septembre. "Il ne faut pas oublier que dans le texte de Camus, d’ailleurs inspiré d’un fait réel, ce sont des intellectuels qui décident de prendre les armes. Par contre, on peut aisément y voir qu’un acte qui apparaît sans moralité n’est jamais gratuit, qu’une forme d’oppression en est nécessairement la cause."
Aubin choisit alors l’angle tragique du texte. "Camus disait qu’il faut être dans un système en pleine révolution pour pouvoir faire de la tragédie. Or, nous sommes dans une période de grands changements politiques." Aubin fait donc le choix d’une mise en scène épurée où le texte reste au premier plan. Mais il s’est toutefois permis une dérogation aux règles classiques. "J’aimais l’idée que le public ait l’impression d’épier ce qui se passe et je tenais à lui donner plusieurs points de vue. Celui-ci aura donc accès autant aux réactions des personnages qui écoutent qu’à ceux qui parlent. La mise en place permet que chaque moment de la pièce puisse se jouer sur deux ou trois tableaux."
Pour le reste, Aubin mise sur le pouvoir intrinsèque du propos de Camus. "Je crois que je n’ai pas à souligner au gros crayon rouge le côté contemporain de la pièce. Ça se passe dans la Russie de 1905 et personne n’arrivera avec un turban dans la pièce, ajoute-t-il, moqueur. Les relectures m’ont toujours dérangé parce que je considère que le public est assez intelligent pour faire par lui-même la comparaison. Et puis, la dernière chose dont j’ai envie, c’est de mettre mon point de vue par-dessus le point de vue de Camus. Le sien est évidemment plus intéressant de toute façon. Tout ce que je peux dire en choisissant de monter cette pièce aujourd’hui, c’est que la violence reste sempiternelle, mais que l’espoir est tout de même permis, car c’est le pouvoir qui corrompt, pas la révolution…"
Du 6 au 26 octobre
À la Salle Fred-Barry
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