Doldrum Bay : Le jour d'après
Scène

Doldrum Bay : Le jour d’après

Benoît Gouin passe de la candeur à l’acide. Après Des fraises en janvier, l’acteur se retrouve de nouveau sous la direction de Philippe Soldevilla dans le dur constat social qu’est Doldrum Bay.

Dans la poursuite de son exploration irlandaise, La Licorne propose cette fois un texte de Hilary Fannin, dans lequel deux couples à l’aube de la quarantaine assistent au naufrage de leurs idéaux. "Francis, c’est celui qui a réussi, nous indique son interprète Benoît Gouin. Il est le roi de la publicité et jouit d’une très bonne crédibilité. Mais lorsqu’il décide de laisser son emploi pour écrire un livre, sa femme Magda dira que ce qu’il écrit, c’est populaire, mais ce n’est pas de l’art. Or pour Francis, tout art reste une transaction avec le public. Même ce que fait le père de Magda, pourtant reconnu dans le milieu des arts visuels."

Outre la question délicate de la hiérarchie en art, Fannin touche à l’un des enjeux majeurs de notre société moderne: l’emprise du mercantilisme dans toute valeur sociale. "Pour Francis, la meilleure loi est celle de l’offre et de la demande. Si les gens achètent ce genre de livre, c’est qu’ils veulent rêver. Mais Hilary Fannin ne laisse rien passer, du couple au désenchantement lié au travail. Elle questionne en fait une société en manque de modèles."

Sans balises, les personnages de Doldrum Bay tanguent donc entre les valeurs traditionnelles et leur désir d’émancipation. Si les trois personnages masculins de la pièce sont marqués par un passé religieux, ils ont délaissé le credo une fois adultes. Une réalité irlandaise qui n’est pas si loin de celle des Québécois. "C’est une comédie très sarcastique à ce sujet, explique Gouin. Francis devra finalement créer une campagne publicitaire pour les Frères des écoles catholiques et, dans ce pitch final, l’auteure fait un constat désolant. Nous avons laissé la foi, mais par quoi l’avons-nous remplacée? Les cathédrales sont devenues des centres d’achats. Notre mythologie est Harry Potter. On se retrouve avec des valeurs plaquées dont on ne connaît souvent pas la provenance. Et évidemment, ça ne peut pas marcher à long terme. Ça craque de partout."

La Licorne se transforme donc en plage de fin du monde. Un monde enfoui sous le sable, où quelques éléments nous rappellent encore ce que nous sommes, laissant imaginer la reconstruction d’un monde sur les ruines du précédent. "Cette pièce est un portrait de la nouvelle société de surconsommation, de culte de l’image. Je crois que derrière ce dérapage, c’est un besoin de reconnaissance qui se cache, une reconnaissance que nous sommes incapables de nous donner nous-mêmes. C’est d’ailleurs ce qui, à mon sens, explique le succès de la télé-réalité. On cherche désespérément une validation." Dans une traduction de François Létourneau, avec également Dominique Leduc, Dominique Quesnel, Claude Despins, Gérald Gagnon et Bénédicte Décary.

Du 19 octobre au 27 novembre
Au Théâtre La Licorne
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