Petronella van Dijk : Femme de parole
Petronella van Dijk fait partie de ces gens qui tiennent la culture à bout de bras. Malgré des moyens financiers limités, sa petite équipe des Productions Littorale organise l’un des festivals de contes les plus importants au Québec: Les jours sont contés en Estrie.
Rencontrée à une semaine de l’événement, Petronella van Dijk avait encore du pain sur la planche. C’est que durant le Festival – qui dure 10 jours et compte 38 spectacles -, les Productions Littorale accueilleront le Forum international des arts de la parole et le Regroupement du conte du Québec. "C’est donc trois fois plus gros cette année!" lance la jolie cinquantenaire.
Mais Petronella van Dijk n’est pas du genre à se laisser abattre par l’ampleur d’une tâche. Au cours de sa vie, elle en a relevé des défis et bâti des projets. Hollandaise d’origine et Française d’adoption, la dame a immigré au Québec en 1969, attirée par l’ébullition du cinéma québécois. Durant quelques années, elle occupe un poste de sténodactylo auprès du cinéaste Arthur Lamothe et travaille dans le milieu du cinéma comme secrétaire, assistante de production, etc.
Passionnée par l’image, elle devient ensuite photographe pour différents organismes et magazines et complète une maîtrise en arts plastiques en photographie. Pour son sujet, elle passe d’innombrables heures dans les aéroports afin de capter les moments où les gens se retrouvaient, où il y avait une totale absence de pudeur et une liberté de l’émotion. Par la suite, elle occupe des postes de graphiste, de rédactrice en chef, tout en enseignant le dessin.
LA PETITE HISTOIRE DU FESTIVAL
Le conte est arrivé dans la vie de Petronella il y a 12 ans. Un ami, Marc Laberge, lui propose d’organiser un festival de contes à Montréal. Au même moment, elle doit déménager en Estrie pour suivre son conjoint, qui vient de décrocher un poste à l’Université de Sherbrooke. Pourquoi ne pas organiser un festival à Sherbrooke en parallèle de celui de Montréal? C’était en 1993. Le festival Les jours sont contés en Estrie était né.
Durant huit ans, le festival a été organisé sous la férule du Carrefour de solidarité internationale. En raison des restructurations de l’organisme, Petronella reprend personnellement le festival en mains en 2000 et crée par la suite les Productions Littorale, qui visent à faire la promotion de la littérature orale, ce qui inclut le conte, la poésie, la chanson à texte et éventuellement, le théâtre.
Depuis ses débuts, le festival propose des prestations non seulement à Sherbrooke, mais un peu partout en Estrie. Au P’tit Bonheur de Saint-Camille, au Centre culturel de Valcourt, à l’église de Gould et même à la mine de Capelton, pour ne nommer que ceux-là.
"Pour moi, il est important que le conte soit présent dans les villages. Il faut que le conte vive dans les zones rurales, même si c’est difficile. Ça fait partie de ma mission sociale de faire circuler le conte dans différents milieux, différentes générations. Il faut que le conte circule le plus librement et le plus largement possible. C’est une des richesses les plus flagrantes du conte."
LA FORCE DE LA PAROLE
La directrice des Productions Littorale considère que le conte est doté d’une force autant culturelle que sociale. C’est même en raison de cette force sociale qu’elle a elle-même commencé à conter, au moment où elle faisait partie de l’organisation de la Marche mondiale des femmes. "Je crois au conte comme outil d’éducation et de sensibilisation du public pour lutter contre les préjugés sociaux, raciaux et autres."
Quand elle conte, elle choisit des récits qui ont eux-mêmes une histoire. "Pour moi, conter une histoire qui date de 5000 ans et qui va séduire encore en 2004, je trouve ça extraordinaire", lance-t-elle avec ses beaux yeux bleus brillants. Petronella raconte aussi des récits de guerre, où se côtoient désespoir et désarroi. "Depuis le début de la guerre en Irak, j’avais besoin de parler de cette souffrance. Pour dire comment on peut arrêter la violence. Chaque fois que je fais ces contes, il y a des gens émus et très touchés."
D’ailleurs, le festival fait place à un large spectre de conteurs. Car si la directrice artistique s’enthousiasme devant le succès d’un Fred Pellerin, elle mentionne qu’il existe aussi beaucoup d’autres types de conteurs et d’histoires. "Une des obligations que je me donne, c’est de ne jamais oublier d’amener les gens dans des émotions diverses. Parce que c’est ça, la vie", conclut-elle.
Du 15 au 25 octobre
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CONTE TOUJOURS!
Que de matière dans cette 12e programmation du festival Les jours sont contés. Quelques pistes à suivre durant ces 10 jours où la parole revêtira différentes couleurs.
JIHAD DARWICHE
Sans aucun doute la vedette de cette édition. Le conteur d’origine libanaise offrira diverses prestations durant l’événement, dont une nuit entière de contes des mille et une nuits accompagnés de danse, de musique et de bouchées libanaises (22 octobre). Journaliste durant la guerre du Liban, il contera aussi des récits de temps de guerre dans la mine de Capelton (24 octobre).
CONTEURS ESTRIENS
Différents noms de chez nous figurent au programme des Jours sont contés. Mathieu Lippé contera L’Épopée d’un poteau le 20 octobre et L’Arbre à cadabras le 24. Huit membres du Cercle des conteurs de l’Estrie proposent un spectacle collectif le 19 octobre. Un conteur de la relève, Marc-André Caron, fera entendre ses contes du dépanneur (23 octobre). Louise de Broin et Jean-Louis Parr seront à la Maison des arts et de la culture de Bromptonville le 23. Enfin, le directeur du Musée des sciences et de la nature, Yves Lauzières, contera en duo avec Alice Duffaud le 17.
LA COULEUR DES LANGUES
C’est le thème du festival cette année et force est d’avouer qu’il est bien choisi. Les spectacles sont surtout en français, en anglais, et quelques-uns en espagnol, mais des conteurs se feront aussi entendre en gaélique, en arabe, en italien, en néerlandais, en swahili, en polonais, en serbo-croate… "Il ne faut pas craindre de venir à n’importe lequel des spectacles et d’oser se familiariser avec la musique de langues étrangères", mentionne Petronella van Dijk.
VITRINE DU CONTE
Envie de voir de quel bois se chauffe la relève conteuse? Le Festival propose une vitrine mettant en vedette 10 jeunes conteurs québécois. L’événement, organisé par le Regroupement du conte du Québec, vise à faire découvrir les nouveaux visages du Québec. Une première dans le genre.
Pour plus d’info: www.productionslittorale.com.