Jocelyne Montpetit : Tronc commun
Scène

Jocelyne Montpetit : Tronc commun

Jocelyne Montpetit est de retour Dans le silence des bambous, qu’elle nous présente au Studio de l’Agora de la danse.

Ce solo puise sa forme et sa thématique dans l’univers métaphorique d’un des poèmes de l’Italien Gabriele D’Annunzio. Le récit raconte, dans les grandes lignes, l’histoire de la Verte Hermione qui, à l’intérieur d’une forêt de pins à l’atmosphère uliginaire, passera à travers un processus de transformation évoquant la naissance d’une âme nouvelle. Un processus cher à la philosophie butô, d’où la chorégraphe tire l’essence de son état de corps scénique et de sa pensée.

"Lorsque j’étais au Japon, relate Jocelyne Montpetit, je me souviens qu’un jour on m’ait dit: "Si jamais il y a un tremblement de terre, cours vers la forêt de bambous." Cela parce que dans ce coin du monde, les tremblements de terre sont fréquents et que le terrain où poussent les bambous est solide à cause des innombrables racines que ceux-ci produisent. Je trouvais l’analogie avec le genre humain très parlante. On dit aussi que le bambou plie mais ne rompt pas. De plus, dans une forêt de bambous, la lumière est spéciale, il y a un grand silence qui rend l’espace presque surnaturel. On en retrouve souvent près des temples zen."

Quand on parle de danse avec la chorégraphe, elle revient fréquemment à ses expériences passées au Japon en évoquant le courage et la détermination des grands maîtres qui l’ont formée et qui continuent de l’inspirer dans son travail. C’est dans cet élan que nous en sommes venus au sujet de Min Tanaka, lequel retient toute l’admiration de Jocelyne Montpetit. "Si je l’ai invité au Québec l’année dernière, c’est parce que je crois qu’il est un exemple d’intégrité pour nous tous. Je me souviens de l’avoir entendu dire: "Il faut lutter contre le pouvoir; si ton amour est un pouvoir, alors il te faut même lutter contre lui." Cet homme n’a jamais accepté le contrôle des autres sur son art et sur sa pensée, c’est pourquoi il a toujours refusé d’être subventionné."

EXAMEN DE CONSCIENCE

Le regard s’évadant par la fenêtre située près de notre table, Jocelyne Montpetit me confie alors qu’elle s’ennuie de ces années de bouillonnement intellectuel et artistique passées aux côtés d’anarchistes tels que Tanaka, mais aussi de Kasuo et Yoshito Ohno, Tomiko Takai et Tatsumi Hijikata. "Au tout début, ce qui m’a amenée à la danse était un certain malaise par rapport au côté très structuré de la société en général. Vingt ans plus tard, je m’aperçois que mon propre milieu artistique génère ce même malaise…"

Ce propos n’est pas celui de sa pièce, mais celui du territoire sociopolitique et culturel qu’elle occupe. Cette forêt de bambous semble alors faire figure de havre de paix au milieu d’une réalité matérialiste qui a tout misé sur son économie, même l’art. La réalité n’étant pas quelque chose d’immobile ni de simple, la chorégraphe trouve dommage qu’on s’encombre autant, aujourd’hui, de structures qui figent et résument la création en un processus mesurable en termes de temps et d’argent.

Cette structure n’a favorisé en rien le nombre ou les collectifs d’artistes durant les vingt dernières années, mais seulement une minorité d’"élus" qui en ont profité pour ériger un empire corporatif. Or, même les vétérans du milieu, telle Jocelyne Montpetit, en sont rendus à se poser la question que tous se posent tout bas depuis longtemps, à savoir: à quand une transformation en profondeur de cette structure ronronnante? Les artistes québécois devraient-ils amorcer ensemble cette révolution en suivant le courage exemplaire d’individus de la trempe de Min Tanaka?

Quand j’entrerai Dans le silence des bambous, je me remémorerai la signification politique du butô et ce sera pour communier avec celles et ceux qui aspirent et travaillent à la transformation.

Du 27 au 30 octobre
Au Studio de l’Agora de la danse
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