Jean-Guy Legault : Voir double
Jean-Guy Legault retrouve Carlo Goldoni, utilisant cette fois Les Jumeaux vénitiens pour discuter conventions théâtrales.
On le savait irrévérencieux. Cette fois-ci, Jean-Guy Legault propose une adaptation reposant sur la mise en abyme. Alors que les acteurs joueront devant nous la pièce Les Jumeaux vénitiens, celle-ci ne sera que prétexte à la démonstration des propos de Goldoni, propos que l’on retrouve dans sa pièce pamphlétaire Le Théâtre comique. L’auteur italien y remettait en question le jeu masqué et la place de l’improvisation au sein de la comédie. Voilà ce qui a séduit l’acteur-metteur en scène qui ne cache pas son goût pour la polémique. "Goldoni a écrit Le Théâtre comique en réponse à ses détracteurs et j’aime l’idée de faire un débat sur scène au lieu de le faire dans les journaux, de savoir utiliser notre medium pour répondre ou pour faire avancer les choses, explique-t-il. Le théâtre est un outil de communication. À l’époque, les artistes utilisaient la polémique d’une façon très créative et ça créait un pont."
Le Théâtre comique sera donc la pierre angulaire de cette création, alors que Legault utilise l’idée de la troupe et les propos de l’alter ego de Goldoni par le biais d’un personnage metteur en scène. "Je voulais que le questionnement de Goldoni sur la forme théâtrale soit vu en action, que le public soit confronté aux interrogations d’une époque. Alors ici, on a accès à la coulisse, on devient témoin des remises en question des acteurs qui jouent Les Jumeaux vénitiens. Cette pièce est une des premières œuvres à travers lesquelles Goldoni a tenté de faire passer ses nouvelles idées formelles. Je peux y questionner à mon tour certaines choses par le biais de ma mise en scène."
REFAIRE L’HISTOIRE
Legault s’offre donc le luxe de taquiner à nouveau les conventions, toujours en privilégiant une certaine prouesse de la part des acteurs. "C’est la performance qui fait du théâtre un art distinct du cinéma ou de la télévision, affirme-t-il. Ce ne fut pas facile de convaincre Diane Lavallée de jouer une jeune première. À l’époque, la jeune première l’était tout au long de sa carrière. Ça demandait à l’actrice une performance d’autant plus étonnante. Le côté vertigineux du théâtre ne devrait pas se résumer à la peur d’oublier d’une réplique."
Malgré le questionnement formel que Legault projette sur l’œuvre de Goldoni, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’efficacité de la peinture sociale d’une époque révolue. "Il est vrai que la pièce Les Jumeaux vénitiens en elle-même ne dit pas grand-chose à un public de notre époque. C’est pour cela que j’ai senti le besoin d’y imbriquer les propos provocateurs du Théâtre comique. Mais elle questionne tout de même certaines choses qui peuvent encore nous secouer. Il est intéressant, par exemple, d’avoir ce personnage qui provoque tous les autres en duel." Rappelons que le Capitan de la commedia dell’arte traditionnelle se voulait une caricature cinglante de la milice espagnole, un point de vue cynique de la situation politique de l’époque. "Ce personnage doit maintenant représenter une forme d’impérialisme actuel", ajoute-t-il, malicieux.
Bien que plus de 200 ans les séparent, Legault s’amuse de la ressemblance entre sa façon de voir l’art théâtral et celle de Goldoni. "Il cherchait une nouvelle façon de faire, et je me reconnais là-dedans. Je suis l’émule de metteurs en scène inspirés de Strehler, et le travail qu’ils font est efficace. Or, il se trouvera toujours des gens pour dire: "Pourquoi vouloir changer quelque chose qui fonctionne?" Eh bien, pour le plaisir de la recherche. Pour le défi, tout simplement."
Du 2 au 30 novembre
Au Théâtre Denise-Pelletier
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