Razzias : L'Autre en soi
Scène

Razzias : L’Autre en soi

Razzias, une création qui donne le ton au 5e Festival du monde arabe de Montréal…

Détournant le sens premier de la razzia – selon Le Petit Robert: attaque d’une troupe de pillards pour enlever les troupeaux, les récoltes d’une tribu -, la cinquième édition du Festival du monde arabe de Montréal mise sur la fécondité des échanges culturels entre les peuples et les cultures. Il s’agit là d’une occasion exceptionnelle de retrouver et d’apprivoiser l’Autre en soi. Parmi les quelque 70 manifestations (musique, danse, théâtre, cinéma, rencontres) qui prendront l’affiche dans de nombreuses salles montréalaises, Razzias fait figure de proue.

Présentée en première mondiale, Razzias est le fruit du travail conjoint de la Montréalaise Irèni Stamou (Metaspora Dance) et de la Libanaise Alissar Caracalla (Orientalist Dance Company of Caracalla). Imaginée par Joseph Nakhle, cette création d’envergure bénéficiera notamment du talent des danseurs de l’École nationale de ballet contemporain du Québec. En s’appuyant sur des périodes historiques charnières, le spectacle procède à la reconstruction dansée de deux razzias déterminantes. D’abord la conquête de l’Espagne (plus précisément l’Andalousie) par les Arabes et ensuite celle de l’Égypte par les troupes de Napoléon. En ces deux moments, lois, sciences, philosophies, techniques, rythmes, mouvements et styles se sont croisés, affrontés et couplés. Ces deux événements se trouvent à l’origine de siècles entiers de confrontation et d’échange.

Choisissant d’aborder ces phénomènes par l’intermédiaire d’un langage chorégraphique résolument contemporain, les créatrices n’ont toutefois pas hésité à amalgamer les genres et les périodes. Empruntant au flamenco tout autant qu’au ballet, au mouachah (poésie syro-égyptienne chantée) comme à l’opéra, l’œuvre promet d’entrechoquer les esthétiques les plus diverses afin de mieux les unir ensuite. Interrogeant l’iconographie orientale, la chorégraphie traduit l’avancée des conquérants, pose sur la notion d’envahissement le regard distancié de notre époque. Empereurs, califes et autres figures antiques permettront d’entrer en contact avec cet Autre, cet intrus qui nous détermine. S’opposant à l’extrême violence du monde, le geste tente ici d’ouvrir de nouvelles voies.

Razzias fait le pari audacieux de provoquer une rarissime synergie entre trois compagnies aux styles pour le moins contrastés. D’abord à la recherche d’une zone de communion du corps mouvant et de l’acte créateur, les interprètes seront en marche vers le lieu où se confondent leurs identités. Il semble que l’unité du spectacle, la cohérence des esthétiques et des techniques, se construira dans les écarts et les variations. Les membres de cette création plongent dans le passé pour mieux s’en affranchir. Héritiers d’une mémoire grégaire, ils s’acharnent pourtant à mettre en mouvement l’humain d’aujourd’hui, cet homme et cette femme dont l’universalité transgresse les notions d’Orient et d’Occident. www.festivalarabe.com.

Les 30 et 31 octobre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
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