Gill Champagne : Passé recomposé
Scène

Gill Champagne : Passé recomposé

Gill Champagne, metteur en scène, a largement contribué à faire connaître Daniel Danis à Québec. Avec Le Langue-à-langue des chiens de roche, il explore, pour la cinquième fois, un texte de cet auteur québécois.

Sous ce titre énigmatique, riche d’images, se trouve une histoire d’amour: celle de Djoukie et Niki, issus de familles ennemies, sur une petite île fictive, perdue au milieu du Saint-Laurent. Autour d’eux, une petite communauté d’exclus se déchirent, se raccommoderont.

Tout de suite, on pense à Roméo et Juliette. Selon Gill Champagne, la pièce, en effet, est une tragédie: "une tragédie moderne" par son sujet, mais aussi par le traitement qui en est fait. Qui connaît Danis connaît aussi sa langue surprenante, imagée, très musicale. "Les personnages, extrêmement concrets, réalistes, deviennent porteurs d’une langue inventée, d’un discours plein de poésie. Cette musicalité donne à la pièce une dimension qui dépasse le quotidien. Il y a des actions quotidiennes, mais aussi, quelque chose de très mystique dans cette aventure. Ces êtres marginaux sont tous, je pense, rendus à un point où il faut qu’il se passe quelque chose dans leur vie. Souvent, j’emprunte une phrase de Shirley dans Cendres de cailloux: "On est des gens ordinaires qui, pour ne pas se contenter de l’ordinaire, font des choses pas ordinaires." Il y a toujours ça dans Danis, je trouve, et encore plus dans le Langue-à-langue."

Et comme souvent chez Daniel Danis, passé et présent se mélangent: dans l’histoire, dans la langue. Le metteur en scène mise également sur le retour dans le passé. "J’aime bien donner une raison à l’acte théâtral: ça donne des pistes, des justifications. J’ai imaginé que ces deux jeunes sont prisonniers d’un espace-temps où ils sont à moitié dans le réel, à moitié dans l’éternité. Et pour qu’ils puissent enfin décoller, ils font revenir leurs parents, leurs amis, pour que ce groupe raconte une dernière fois comment la tragédie est arrivée."

Entrer dans cette œuvre dense représente un défi pour les comédiens. "Ils abordent ce monde avec beaucoup de questions, d’interrogations. Avec beaucoup de liberté, aussi, en tous cas dans ce cas-ci: c’est comme si les neuf acteurs avaient joué du Danis toute leur vie! Ils ont proposé des choses, se sont investis sans retenue. Le travail est vraiment très physique : pour ne pas que ça reste du "récit-théâtre", il faut aller dans l’action. Le corps, l’espace et la parole sont toujours les trois éléments qui me guident dans l’exploration des textes, que ce soit de Danis ou d’autres."

Avec cette production, Champagne poursuit un travail amorcé en 2000 avec des étudiants du Collège de Lévis. "Avec eux, j’ai pu aborder cette œuvre dans sa complexité, son charme, ses grands défis; ça a donné un résultat probant, très intéressant. Les jeunes, acteurs et spectateurs, étaient bouleversés par cette histoire. Cette fois, je travaille bien sûr avec plus de moyens, avec des comédiens plus expérimentés, mais c’est la même base. Les jeunes seraient émus, je crois, parce que c’est sensiblement la même mise en espace; s’ils viennent, ce sera très touchant."

Jusqu’au 27 novembre
Au Grand Théâtre
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