L’Intimité : No man’s land
Avec L’Intimité, Emma Haché signe une pièce qui ramène les dérives d’une société au cœur même du couple. Au milieu de cette guerre intime où règne la dérision, la maladie devient l’arme fatale.
Forte d’une solide distribution, d’une metteure en scène d’expérience et d’un texte finaliste au Prix du Gouverneur général, L’Intimité telle que présentée par Omnibus n’arrive pas à tirer parti de ses atouts. On dirait que les comédiens Marc Béland, Jean Asselin et Markita Boies n’ont pas lu le texte sous le même angle.
Frauke (Boies) et Alex (Béland) se sont connus en Allemagne durant la guerre de 39-45, où ce dernier combattait avec les Forces canadiennes. Après leur premier rapport sexuel, Frauke tombe enceinte. Ils se retrouvent au Canada où naîtra leur enfant. De ce côté-ci de l’océan, les effets de la guerre sur eux sont évidents. On sent leur manque de moyens pour exprimer la douleur et la peur qui dominent leur relation. Alex est raide comme une barre de fer, coincé dans l’image militaire, coincé dans son armure. Frauke est épuisée, désillusionnée, et son charisme est en ruine. Le dialogue est impossible et ils recherchent les sensations fortes pour avoir l’impression d’exister, de communiquer. Si la violence et les jeux de rôles leur permettent de se révéler, ils ne se comprennent pas clairement pour autant, et la maladie qui frappe représente plus une fuite qu’une occasion de se rapprocher et s’entendre.
Il semble que Francine Alepin, à la mise en scène, ait poussé le texte dans une direction avec Marc Béland et Markita Boies, et qu’elle se soit servie de Jean Asselin pour faire contrepoids et soutenir l’aspect plus ludique de la pièce. Le texte peu banal d’Emma Haché, cette jeune auteure acadienne qui a reçu, l’an dernier, la Prime à la création du Fonds Gratien Gélinas, pourrait être interprété de manière plus homogène. Chaque personnage possède cette part d’étrangeté qui réunit une certaine distance et une forme d’impertinence. L’amalgame est perceptible, entre autres, dans un humour curieux et des gestes dérangeants. Le jeu précis de Jean Asselin, justement, révèle parfaitement le ton général de la pièce dont les aspects tragiques et la teneur dramatique n’ont pas besoin d’être surlignés.
Jusqu’au 19 novembre
À Espace Libre
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