La Mémoire de l’eau : Vague de fond
Avec La Mémoire de l’eau, Monique Duceppe a mis en scène une pièce qui interroge le rôle d’une mère pour ses enfants, réunis au moment de sa mort… Entretien.
"À quel moment la mère peut-elle quitter son tablier de mère et s’arroger le droit de redevenir une femme?" Monique Duceppe, metteure en scène de La Mémoire de l’eau, résume bien, en posant cette question, l’un des points importants de la pièce écrite par Shelagh Stephenson et traduite par Michel Dumont et Marc Grégoire.
"Le titre est basé sur une théorie homéopathique qui prétend que l’eau détient une mémoire qui agit comme un ruban magnétique. On a beau la diluer et la diluer, la mêler à d’autres substances, après décantation, elle a conservé ses éléments curatifs comme tous ses éléments de base. Ici, on a affaire à une mère dont les enfants craignent de lui ressembler et qui clame: "Vous avez beau essayer de m’ignorer, je suis dans vos veines, je coule dans vos gestes. Ça vient de ma mère qui l’a eu de sa mère, qui l’a eu…""
À trop vouloir ne pas ressembler à quelqu’un, on finit par y ressembler. Ainsi, La Mémoire de l’eau relate la réunion de trois sœurs extrêmement différentes au moment des funérailles de leur mère. La maison familiale devient le théâtre de l’illusion: elles ressassent le passé chacune à leur façon, l’embellissant selon leur besoin, et filtrant la réalité pour confondre à souhait ce qui, du rêve aux faits, tisse le mieux la personnalité de chacune d’entre elles.
"Il s’agit de trois enfants aux dépendances affectives effrayantes, poursuit Monique Duceppe. Il y a des règlements de comptes, bien sûr, mais tout se joue autour de la mémoire. Elles ruminent sans arrêt leur position par rapport à la mère pour arriver à passer à autre chose." L’aînée est contrôlante, obsédée par l’organisation. La cadette, une femme de carrière tendue, a négligé sa vie personnelle, alors que la benjamine, elle, erre de voyages en expérimentations. La mère, qui souffrait d’Alzheimer, apparaît à ses filles sous la forme d’un fantôme. Ces dernières, qui ont déjà des souvenirs différents, s’approprient peu à peu la mémoire des autres et constatent plus que jamais le conflit d’une femme qui se sentait femme malgré le tablier de mère. "Elles ont affaire à une mère très sexuée et qui ose dire en présence de ses filles: je hais les femmes!"
Monique Duceppe se dit honorée de la générosité particulière des comédiens (Mireille Deyglun, Antoine Durand, Danielle Lépine, Marie Michaud, Marie-Chantale Perron et Claude Prégent) qui joueront la pièce écrite par cette Anglaise née en 1967, chez qui résonne un net attachement à la culture irlandaise – elle est mariée au cinéaste irlandais Eoin O’Callaghan. "J’ai monté plusieurs pièces britanniques et irlandaises car j’aime ce genre d’humour, d’atmosphère, qui est très près de nous. Les Irlandais ont un sens de la répartie qui ressemble au nôtre. Il faut dire que leur contexte politique, religieux et économique tout comme leur situation de dépendance coloniale s’apparentent pas mal aux nôtres."
La pièce a été créée au Hampstead Theatre de Londres en 1996 avant de parcourir la Finlande, la Grèce, la Croatie, le Japon, les États-Unis, le Mexique, l’Argentine et la Belgique. Au Québec, c’est une première pour cette pièce à l’humour typiquement anglais et brillant.
Le 24 novembre à 20 h
À la Salle Maurice-O’Bready
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