L’Arche : Le carnaval des animaux
Les Coups de théâtre présentent L’Arche, un opéra pour enfants dont Anne Hébert a signé le livret tout juste avant de mourir. Rencontre avec sa compositrice, Isabelle Panneton.
C’est à Paris qu’Isabelle Panneton fait la rencontre d’Anne Hébert. Mais c’est à l’invitation du directeur artistique Rémi Boucher, dix ans plus tard, que leur projet d’un opéra voit enfin le jour. Après avoir travaillé conjointement pendant deux ans, voilà que Panneton se retrouve seule avec les mots de l’auteure disparue en 2000. "Son texte ne fut pas difficile à mettre en musique ni à diriger, avoue Panneton visiblement émue d’avoir eu cette opportunité. Madame Hébert a une force de frappe, elle peut dire beaucoup en peu. Comme s’il y avait une certaine urgence d’écrire et de dire. Il était donc facile musicalement de coller aux modulations de son texte. Comme s’il y avait un guide pour les inflexions dans sa façon d’écrire."
Le défi n’en est pourtant pas moins grand pour la musicienne qui, malgré une reconnaissance incontestable dans le milieu de la musique contemporaine, en est à son premier opéra. "L’opéra doit soutenir une trame dramatique; cette œuvre ne peut donc pas être trop fragmentée. Et comme il s’adresse aux enfants, L’Arche ne pouvait être trop avant-gardiste. Alors je me suis amusée du fait qu’il y a des animaux dans la pièce. Certains effets musicaux en font la caricature."
En effet, L’Arche raconte l’exil forcé d’animaux domestiques français en mission colonialiste au Nouveau Monde. "On y retrouve plusieurs des thèmes chers à Anne Hébert, dont le thème de l’exil, poursuit Panneton. On retrouve également la figure de la mère dans le personnage de la Mère Michelle, à la fois très tendre et possessive. Cette ambivalence était d’ailleurs très intéressante musicalement. Et puis le fait qu’une chatte d’Espagne soit attirée par un chat sauvage, son contraire… L’alto masculin dans le rôle du chat sauvage est intéressant. Quoi de plus "non domestiqué" qu’une voix de femme dans un corps d’homme? C’est très séduisant comme effet. L’altérité complète."
Suite au chantier présenté il y a quatre ans sous la direction d’Alice Ronfard, l’opéra est maintenant prêt à être présenté dans son entièreté, ici dans une mise en scène de Keith Turnbull. "J’ai eu à écrire de nouveaux chœurs, car cette fois, il n’était pas question de faire simplement du théâtre musical", explique Panneton. La figure du curé a également été remplacée par un sergent-recruteur, qui reste sans doute un symbole créant un écho fort chez les jeunes tout en jouant un rôle similaire au clergé d’autrefois. La mise en scène s’inspirera quant à elle des mouvements du kabuki. "Dans un opéra, le jeu théâtral peut nuire à l’inflexion de la voix et c’est pourquoi il est souvent réduit au minimum. Mais Keith Tunbull réussit avec sa mise en scène à ajouter une théâtralité intéressante et à accentuer les côtés subversifs du livret." L’Atelier Lyrique de L’OSM y sera accompagné du Nouvel Ensemble Moderne. On se régale d’avance.
Les 25, 26 et 28 novembre
Au Théâtre Outremont
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