Mathieu Gosselin : Assemblée de cuisine
Mathieu Gosselin s’apprête à défendre Ubu sur la table devant un public d’adolescents.
Depuis sa création à la Brasserie Laurier en 1998, Ubu sur la table a bénéficié d’un accueil exceptionnel. Adaptation libre d’Ubu roi d’Alfred Jarry en théâtre d’objets, le premier bébé du Théâtre de la Pire Espèce a été présenté près de 300 fois au Québec, en Europe et au Mexique. Plusieurs ont dit que la farce cruelle de Jarry (créée en 1896) ne pouvait trouver meilleure réincarnation que l’implacable maelström dans lequel ce spectacle l’entraîne. Voyageant de bars en sous-sols, cette incursion dans l’imaginaire débridé d’Olivier Ducas et Francis Monty n’avait pas encore été offerte à un public adolescent. Répondant à l’invitation de la Maison Théâtre, l’équipe s’apprête maintenant à affronter un spectateur réputé pour son intransigeance.
Depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 2001, Mathieu Gosselin s’enracine progressivement dans le paysage théâtral. Collaborateur du Clou (Romances et karaoké) et membre fondateur de la Banquette arrière (Betty à la plage), le comédien s’adonne avec le même bonheur à la marionnette qu’au théâtre d’objets ou au jeu clownesque. Lorsque est venu le temps de trouver quelqu’un pour reprendre le rôle créé par Monty, disons que les habiletés de Gosselin l’y prédestinaient. La double fonction d’acteur et de manipulateur semble le ravir. "Même si j’ai été formé pour être un acteur, explique-t-il, je retire souvent moins de satisfaction personnelle et artistique à ne faire que du jeu traditionnel. Le chemin pour me rendre à la création est moins clair lorsque je suis strictement interprète. Avoir la chance d’être manipulateur en plus, c’est un beau défi. Tu sens vraiment que la magie naît de tes mains. En même temps, ça demande beaucoup d’humilité. Il faut comprendre que parfois c’est l’objet qui détient toute l’attention et savoir transférer toute ton émotion ou ton intensité sur lui."
Après avoir participé à une tournée en France, l’acteur a sa petite idée sur les causes de cette grande réussite: "Outre la simplicité de la forme, l’impolitesse est pour beaucoup dans le succès du spectacle. Les objets permettent de quitter l’émotivité et la psychologie, de délirer davantage." De l’irrévérence, ce n’est pas ce qui manque à cette relecture pataphysique de l’histoire polonaise. Ici transformés en fourchettes, théières et marteau, les protagonistes ne perdent rien de la verve dont les avait dotés Jarry, bien au contraire. Convaincu de l’intérêt que porteront les adolescents aux rocambolesques aventures du Père Ubu, Mathieu Gosselin paraît avoir développé une belle complicité avec les spectateurs de ce groupe d’âge. "Si on parvient à les intéresser, les ados forment le plus nourrissant des publics. Contrairement aux adultes, ils se permettent d’intervenir, de nous faire savoir ce qu’ils pensent." Déterminé à garder bien vivante sa fibre d’adolescent, le comédien de 26 ans prend tous les moyens qui s’imposent, à commencer par la scène.
Jusqu’au 28 novembre
À la Maison Théâtre
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