Pol Pelletier : La dernière scène
Scène

Pol Pelletier : La dernière scène

Avec son spectacle d’adieu, Pol Pelletier, qu’il faudra dorénavant nommer Nicole, lance un vibrant appel à l’éveil des consciences.

Seule en scène, portant à bout de bras une croix, Pol Pelletier laisse couler durant presque deux heures une parole longtemps réprimée. Passant de l’indignation à l’humilité, l’actrice qui se qualifie elle-même de dinosaure arpente la scène de l’Espace Go, ancien fief des femmes dont les voix se sont éteintes sans faire de vagues. Petit à petit, Pol Pelletier accumule les faits sous nos yeux, comme des grains de sable, jusqu’à ce que l’horreur nous saute au visage.

Tenant plus du manifeste que du théâtre, Nicole, c’est moi… pourrait se voir comme le complément sombre du solo Joie présenté il y a une dizaine d’années. Si ce dernier faisait état d’une véritable révolution au sein de la société, celui que nous offre présentement l’ardente femme de théâtre tente d’en analyser l’échec retentissant. Les femmes disparaissent timidement, elles sont englouties sous une surface calme. D’hypothèses en hypothèses, Pol Pelletier questionne cet état de fait, avec un humour plus doux que lors de ses anciennes revendications. Il faut noter l’impact d’une gigue hilarante construite à partir des noms d’hommes illustres du 20e siècle choisis par Radio-Canada (une seule femme y figure: Hildegarde de Bingen, Simone de Beauvoir brillant par son absence). On rit souvent pour ne pas se laisser abattre par le constat abrupt se dressant lentement à travers le flot de mots. Mais Pol Pelletier ne lâche pas prise. Le rire ne tient jamais bien longtemps.

Malgré la portée essentielle et incontestable du propos de cette récente création de Pol Pelletier, on ne peut s’empêcher de questionner la nécessité de sa facture théâtrale. La créatrice, qui se définit elle-même comme une artiste en mutation, laisse transparaître la nature cahoteuse de ce passage. La théâtralité qu’elle choisit ici reste rarement à la hauteur de la parole, même si, dans une figure symbolique aussi chargée que celle du Messie, la femme se place efficacement dans la position du Verbe et du sacrifié. Néanmoins, l’image perd de sa force et vient presque altérer un discours qui, lui, devra avoir l’attention qu’il mérite.

Jusqu’au 20 novembre
À l’Espace Go
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