Cérémonials de Brigitte Poupart : Il était une foi
Scène

Cérémonials de Brigitte Poupart : Il était une foi

Après W.C. et Babel, Brigitte Poupart poursuit son exploration sociologique à travers l’univers en mutation des rites religieux.

C’est dans un salon funéraire nouveau genre que Brigitte Poupart tente d’expliquer Cérémonials, sa cinquième création. Tout autour, musique techno, mini-bar design et ambiance lounge. "Cet endroit illustre bien la coupure avec l’ancien monde, explique-t-elle en lorgnant, amusée, ce lieu de culte hybride. Les derniers rites funèbres auxquels j’ai assisté étaient vraiment désincarnés. Pourtant, c’est le rite le plus important de tous, s’il en est un. C’est le premier à avoir été inventé et tout le reste en découle. Je me suis alors demandé pourquoi les rites religieux sont devenus figés, comme s’ils avaient perdu leur fondement. Je ne dis pas que la rupture qu’ont amenée les années 60 était inutile, au contraire. Mais on peut tout de même questionner la perte. Ce qui n’a plus de résonance doit être réinventé et la question que moi, je pose, c’est: qu’est-ce qu’on y gagne et qu’est-ce qu’on y perd?"

À travers l’histoire d’une église et de sa petite communauté, Poupart questionne le pacte. De la dernière messe au réaménagement de l’espace en condos, le public sera témoin de la finalité d’un monde et de celui qui le remplace. Si la première partie illustre une communauté appartenant désormais aux images d’archives, la deuxième nous transportera dans un univers plus virtuel. "On y présente une galerie de personnages isolés dans la solitude et dépourvus de ressources, poursuit Poupart. Je me suis servi du fait que les promoteurs immobiliers doivent inclure un but communautaire à leur projet lorsqu’ils achètent un bâtiment religieux. Alors ici, les appartements du sous-sol sont réservés aux personnes âgées. Ceux-ci se retrouvent donc tous les jours dans une cour intérieure, heureux et surtout complices sans l’Internet et les cellulaires." Une façon pour la créatrice d’illustrer le paradoxe de notre société à ce propos.

Alors que le jugement semble un peu facile, la créatrice s’oblige toutefois à sonder les contrepoids avec lucidité. "On ne peut pas nier les progrès technologiques et, moi-même, j’utilise la vidéo dans mes créations. Ma recherche en est une d’équilibre et mon questionnement sur le renouveau des rites se prête également au théâtre. Comment peut-on réinventer sans perdre le sacré?" L’artiste en art visuel Michel Hébert a donc renouvelé l’expérience de Babel afin d’ajouter à Cérémonials sa dimension virtuelle.

Poupart, visiblement ravie de son équipe de création multidisciplinaire, insiste sur la polysémie de cette nouvelle création. "Cérémonials ressemble à un oignon à peler, il y a plusieurs couches de compréhension selon notre expérience des rituels, souligne-t-elle. Mais je découvre qu’avec l’éducation religieuse, notre vie est ponctuée de rites de passages importants: la première communion pour l’âge de raison; la confirmation pour l’adolescence et les responsabilités face à la communauté; ensuite, le mariage. Maintenant, nous ne célébrons plus ces passages importants et je crois que les enfants y perdent. Ces rites étaient autant de possibilités de bilans, mais aussi autant de petits deuils qui permettaient d’apprivoiser la mort. Le deuil de l’innocence, le deuil de l’enfance, le deuil du célibat… maintenant, tout est évacué. Nous vivons dans un monde qui dénie la mort complètement. Tout est léger. Et c’est comme si nous demeurions des enfants toute notre vie, sans conscience des responsabilités à prendre… C’est une question importante à soulever."

Du 30 novembre au 18 décembre
À l’Espace Go

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