Cette fille-là : Sauver mon âme

Cette fille-là

, c’est aussi et surtout la nouvelle création pour ados du Théâtre la Catapulte, mise en scène par son directeur artistique Joël Beddows, qui n’avait rien signé depuis son brillant Testament du couturier (Michel Ouellette), qu’il présentait l’hiver dernier et qui avait remporté des honneurs. Il revient donc avec un autre one-woman show, Cette fille-là (Shape of a girl), de la Vancouvéroise Joan MacLeod, dans une traduction d’Olivier Choinière. C’est la comédienne Stéphanie Kim Tougas qui portera les mots de cette Braidie, 15 ans, qui, tourmentée, réfléchit aux choses qui la préoccupent. Parmi celles-ci: le meurtre d’une adolescente de son âge tuée par une "gang" comme la sienne. L’auteure de la pièce s’est inspirée du très médiatisé meurtre à Victoria de Reena Virk en 1997, qui s’était fait battre à mort parce qu’on lui reprochait d’avoir répandu une fausse rumeur. "Olivier Choinière a traduit le texte selon sa perception d’une pièce canadienne-anglaise. Or, cette dramaturgie a beaucoup évolué et cette pièce n’a rien de canadien-anglais! C’est très poétique, très intelligent. C’est une histoire "coup de poing" racontée d’une façon "coup de poing", commence Joël Beddows. C’est une prise de parole engagée que Braidie prend pour ne pas sombrer dans la violence, pour sauver son âme, son être. Elle est à l’adolescence, à la croisée des chemins et c’est comme si elle avait le choix de devenir une mauvaise ou une bonne personne."

Stéphanie Kim Tougas, qui n’est pas si loin de son adolescence et de la génération des Reena Virk de ce monde, observe: "On dirait que notre génération n’est pas souvent confrontée à prendre des décisions. Braidie est très suiveuse, elle ferait tout ce que ses amis lui demanderaient, mais en même temps, elle a ce côté solitaire, philosophe."

"Le personnage fait le pont entre Stéphanie et moi, parce qu’elle est une comédienne très instinctive, alors que moi, je suis très cartésien, et ce paradoxe est au cœur de Braidie", ajoute Joël Beddows en s’amusant du même coup à raconter l’anecdote du choix de la comédienne. Le directeur artistique avait interdit aux trois comédiennes de la production La Meute, qui s’en allait en tournée, d’auditionner pour Cette fille-là , afin de ne pas avoir à faire de remplacement s’il venait à choisir l’une d’elles. Qu’à cela ne tienne, Stéphanie Kim Tougas, qui campait le rôle de Catherine, insiste pour faire une lecture du texte devant caméra et s’avère le meilleur choix pour le metteur en scène et ses collaborateurs du Théâtre La Seizième.

Généralement inspiré par un objet d’art dans ses productions, comme une chanson ou un film, Joël Beddows s’est inspiré cette fois d’un tableau de William Turner qui date de 1842 pour évoquer l’état d’esprit du personnage. L’œuvre est reprise dans l’espace scénique comme toile de fond, pixelisée, dans les teintes de bleu et de vert. Le décor représente un non-lieu: "C’est à mi-chemin entre un quai et un radeau, Braidie est à la fois en train de sortir et d’entrer. Elle est au pied d’une île et en même temps, elle flotte sur l’océan. Elle est à mi-chemin entre ce qu’elle a connu et ce qu’elle veut connaître."

L’espace est également occupé par des projections vidéo qui agissent comme des flashs-back pour le personnage. "À l’intérieur du monologue, il y a une série de soliloques, parce qu’elle essaie de reconstituer l’histoire de Reena Virk et de trouver comment elle en est venue à ce "no-man’s land" temporel, à ce coin sombre de sa tête. Pour se rendre, il y avait le trajet de Reena et le sien. Ils s’entrecroisent et il y a parfois confusion entre les deux mondes. C’est très lyrique sur ce plan-là", explique Joël Beddows.

Dans son allocution, Braidie s’adresse à son frère Trevor, parti depuis belle lurette du foyer parental: "Il est son interlocuteur, elle lui parle, mais au fond, c’est un prétexte pour sortir tout ce qu’elle a dans la tête. Comme lorsqu’on n’arrive pas à parler et qu’on s’adresse à soi-même pour être capable de dire les vraies choses", remarque la comédienne.

"C’est du théâtre pour ados porté avec une grande sobriété, parce que la pièce évoque en nous les choses qui nous avaient tourmentés alors qu’on avait 12 ans, 14 ans…" conclut le metteur en scène.

Le 30 novembre et le 4 décembre, à 20 h
À la Nouvelle Scène

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