Evelyne de la Chenelière et Daniel Brière : Rouler en tandem
Scène

Evelyne de la Chenelière et Daniel Brière : Rouler en tandem

Evelyne de la Chenelière et Daniel Brière goûtent à nouveau aux joies de la création en tandem grâce à Nicht retour, mademoiselle.

En octobre 2002, Evelyne de la Chenelière et Daniel Brière donnaient vie à Henri et Margaux, une première création en duo qui obtint un accueil exceptionnel. Cette aventure est d’ailleurs loin d’être terminée puisque le spectacle poursuit une tournée jusqu’en mai 2005. S’ils ont toujours autant de plaisir à incarner les membres de ce couple si semblable au leur, les deux artistes ont la tête ailleurs en ce moment. En effet, ils s’apprêtent à dévoiler une nouvelle réalisation, une œuvre sûrement moins autobiographique que la précédente, mais tout aussi personnelle.

Récit-fleuve s’étendant sur trois générations, Nicht, retour mademoiselle creuse avant tout le thème de la filiation. D’abord intitulé Parentés, le projet a emprunté bien des avenues depuis le jour où il a germé dans l’esprit des créateurs. "Ce qui est demeuré, c’est notre désir de vivre quelque chose sur scène qui nous transporte hors de notre réalité contemporaine d’individus, de couple ou de famille, explique de la Chenelière. L’idée de départ s’est resserrée sur la relation entre une mère et son fils, sur les circonstances qui ont emmené ce Français à immigrer en Amérique." "Nous portons en nous plusieurs de ces récits d’immigrants, ajoute Daniel Brière. Nous avions envie de raconter les histoires de ces gens qui nous ont précédés parce qu’elles déterminent un peu de ce que nous sommes comme Américains aujourd’hui. S’il y a des familles ici en ce moment, c’est parce qu’un jour certaines personnes ont décidé de quitter la leur."

SCÈNE DE FAMILLE

S’il est une dimension qui n’a jamais quitté l’esprit des collaborateurs, c’est bien le désir de faire connaître à leurs enfants respectifs et communs le processus d’une création théâtrale. "Nous avons fait de ce spectacle une aventure familiale, rappelle de la Chenelière. Nous avions une envie très forte de vivre ça avec nos enfants, de faire une expérience de théâtre en famille. Mais il n’était pas question de sauter sur cette occasion pour traiter de notre dynamique familiale, bien au contraire." Ainsi, du mardi au jeudi les parents sont seuls, alors que les vendredi et samedi ils partagent la scène avec leurs quatre enfants. "C’est très excitant, avoue la mère. Cela fait deux spectacles à gérer, dont un qui comporte une part d’inconnu, parce que nos enfants sont moins prévisibles que des acteurs de métier." "C’est ce que nous avons voulu, renchérit Brière. C’est très intéressant comme acteurs de les voir évoluer. Je pense que des fois, ils peuvent être bien plus intéressants que nous. C’est risqué, mais plutôt que de tout prévoir, on a préféré leur laisser beaucoup de liberté."

Peut-on imaginer un lieu qui convienne mieux à cette création que la zone de franche liberté offerte par le Nouveau Théâtre Expérimental? Profitant pleinement de la situation, les deux créateurs ont poussé l’audace encore plus loin. Ainsi, dans le but de dévoiler toutes les ficelles de l’émotion théâtrale, les acteurs procèdent eux-mêmes, sur scène, au déclenchement de leurs effets de son et d’éclairage. Bien sûr, Thomas Godefroid savait dès le départ que ces compositions lumineuses se verraient tributaires des aptitudes techniques des comédiens. Le compositeur Anthony Rozankovic a su faire preuve de la même humilité. De la Chenelière commente: "Nous avons voulu que la manipulation des éclairages et du son soit une action consciente, un moyen plus ou moins fantastique dont les personnages disposeraient pour obtenir l’émotion qu’ils souhaitent communiquer aux spectateurs." "C’est une manière de désacraliser le théâtre, de montrer les choses telles qu’elles sont", ajoute Brière.

Particulièrement audacieux, le couple n’a pas eu peur de faire reposer la quasi-totalité du spectacle sur ses épaules, mais tout de même pas au point de tout accomplir seul. Ainsi, la scénographie est signée Jonas Veroff Bouchard, les costumes, Ginette Grenier, les maquillages et les coiffures, Julie Vérès et les projections, Yves Labelle. Bien que Nicht retour, mademoiselle s’ancre dans les préoccupations de ses créateurs, ceux-ci s’interdisent formellement de mettre en scène leur histoire personnelle. "Nous n’avons pas envie d’aborder spécifiquement notre réalité de famille reconstituée, précise Brière. Sans être nostalgique ou passéiste, nous voulons parler de ce qui s’est passé avant, de ce qui nous a menés à aujourd’hui."

Du 30 novembre au 18 décembre
À Espace Libre

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