Le Songe/dreamplay : Rêver mieux
Scène

Le Songe/dreamplay : Rêver mieux

Le Songe/dreamplay, une pièce bilingue orchestrée par Kate Bligh, se situe quelque part entre la danse, le cirque, la chorale et le cinéma.

"L’humanité est pitoyable", nous répète sans arrêt la fille de Dieu. Et quand celle-ci descend sur terre pour vérifier si l’humanité mérite toujours la miséricorde, on peut s’attendre à tout, au meilleur comme au pire. Malheureusement, c’est surtout au pire que nous convie cette adaptation moderne d’une pièce d’August Strindberg. La metteure en scène Kate Bligh, qui a déjà travaillé sur Danser à Lughnasa (TNM, 2002) et qui est directrice artistique des productions temenos, présente avec Le Songe/dreamplay une adaptation téméraire de la pièce.

Dans la pièce originale (écrite en 1902 et représentée en 1907), Agnès (c’est ainsi que se prénomme l’envoyée de la Providence) rencontrait un officier détenu dans un château, visitait un théâtre (bien sûr), s’amourachait d’un avocat qui se battait contre des moulins à vent, se mariait, enfantait, connaissait l’échec amoureux comme les aspects sombres de la vie de couple, et subissait la hargne d’une foule. Tout ça dans l’ordre et le désordre, entre rêve et réalité, mêlant les improvisations autour des expériences vécues et illustrant le mal de vivre comme les souffrances de l’humanité. La pièce se rapprochait aussi de quelques théories de Freud (décédé en 1939) et exprimait les identités du rêveur, ses doubles, ses délires et ses fantasmes. En ce sens, on peut dire que l’exercice de Kate Bligh, appuyée par les auteurs Owen Belgrade, Anne-Marie Boivin et Joris Jarsky, n’est pas décevant car on rend plutôt bien une certaine réalité montréalaise, et que les nouveaux personnages, hauts en couleur, respectent assez bien l’énergie et la direction originales. L’architecture a été également respectée.

Ici, on a un travelo du Café Cléopâtre (très bien joué par André Doucet), un poète sulfureux qui traîne dans des lieux sordides, un activiste crédible (Lucas Fehr) dont la vie entière est une manifestation, un médecin groupie d’une diva de la Place des Arts, un agent d’assurances, des prostituées et un exhibitionniste. On ramène donc l’univers suédois du 19e siècle à quelque chose de bien montréalais et de bien actuel qui devrait nous concerner. L’idée générale tient peut-être le coup, mais le spectacle souffre des nombreuses inégalités de jeu, du manque de cohésion et de rythme. La pièce ne coule pas, les différents fragments sont laborieusement tissés entre eux, et il y a des longueurs. Côté texte, de petites morales surgissent ici et là, lancées sur un ton des plus agaçants, qui infantilisent les spectateurs en n’apportant rien d’autre que du surlignage. Le personnage d’Agnès et celui du poète sont aux prises avec ces répliques vides et fourre-tout. Sadia Mahmood (Agnès) semble parfois sortir d’une émission pour enfants et John Mounsteven a tout de la caricature énervante du poète de café. Les deux sont franchement meilleurs dans les répliques en anglais. Pour terminer sur une bonne note: tous les comédiens chantent bien et les parties musicales sont remarquables.

Jusqu’au 4 décembre
Au Théâtre La Chapelle

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