Nouveau Locataire d’Eugène Ionesco : Mettre en boîte

Depuis sa sortie de l’UQAM en 1988, Pascale Tremblay a accumulé de nombreuses expériences à titre de comédienne, enseignante et metteure en scène. Outre La Lanterne à musique, une pièce jeune public créée en 2002, aucune des réalisations de la Sherbrookoise n’a été présentée dans la Métropole. Ces jours-ci, elle s’apprête à remédier à la situation en proposant aux Montréalais sa mise en scène du Nouveau Locataire d’Eugène Ionesco, une production du Théâtre du Double Signe qui a bénéficié d’un accueil fort chaleureux lors de sa création en Estrie l’an dernier.

Depuis sa fondation en 1985, le Théâtre du Double Signe a inscrit une douzaine de spectacles à sa feuille de route. Particulièrement active sur le plan régional, notamment grâce à l’implantation de populaires ateliers, la compagnie jouit maintenant d’une réputation qui dépasse nos frontières. C’est Patrick Quintal, son directeur artistique, qui a fait découvrir la pièce d’Ionesco à Pascale Tremblay. "J’ai tout de suite trouvé le projet emballant, se remémore-t-elle. En même temps, je voyais bien que la pièce présentait un gouffre terrible. Comme il y a très peu de texte, c’est l’occupation de l’espace ou plutôt son encombrement qui prime. Tout est à créer. C’est pour ça au fond qu’on monte Ionesco, parce que ça oblige à l’interprétation."

S’il est une hantise qui traverse tout le théâtre d’Ionesco, dramaturge français d’origine roumaine décédé en 1994, c’est bien celle de la disparition de l’être humain au profit de la matière. Le plus souvent, cette menace se traduit sur scène par une incontrôlable prolifération d’objets. Créé en 1954, Le Nouveau Locataire n’échappe pas à la règle. Moins joué que les fameuses Chaises, ce texte illustre à quel point les biens matériels peuvent entraîner l’aliénation d’un individu. "La pièce est toujours très actuelle, affirme la metteure en scène. Nous surconsommons tellement, moi la première. Je n’en revenais pas quand j’ai réalisé que j’avais plus d’une trentaine de chaises à la maison, alors que nous ne sommes que deux." N’aspirant qu’à vivre reclus au milieu de ses innombrables possessions, le personnage principal se voit happé par le manège infernal qu’actionnent une concierge verbeuse et quatre déménageurs étourdissants.

Alors que Reynald Bouchard tient le rôle quasi muet du locataire, Jacinthe Tremblay incarne la bavarde logeuse. Dans un appartement parisien des années 50 imaginé par Louis Hudon (décor) et Mathieu Marcil (éclairages), au son des créations musicales de Jacques Jobin, les ouvriers (Antoine Bertrand, Lilie Bergeron, Charles Maheux et Pascale Tremblay) valsent et jonglent avec les accessoires de Laurent Laventure. Presque acrobatiques, leurs manœuvres ponctuent la pièce de "ballets" dirigés par Luc Tremblay, entraîneur pour le Cirque du Soleil. Traversé par l’angoisse qui caractérise tout le théâtre de l’absurde, Le Nouveau Locataire est aussi porté par un redoutable comique. Voilà qui devrait provoquer, en un même lieu, le rire et la réflexion.

Du 30 novembre au 18 décembre
Au Théâtre Prospero

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