Pierre Lecours : Je est un autre
Pierre Lecours nous fait visiter Les Abattoirs de son imaginaire, à Tangente. Une critique sociale du couple moderne.
Comme le soulignait de manière admirable mon collègue Richard Martineau dans sa rubrique Ondes de choc ("Je, me, moi") du 18 novembre dernier, nous sommes au cœur du règne d’un "individualisme crasse" qui gère nos relations (si l’on peut encore utiliser ce terme) avec autrui. Cette constatation généralement admise a, bien entendu, ses répercussions dans le milieu artistique, où plusieurs artistes choisissent la problématique de la relation à l’autre comme porte d’entrée à la création.
C’est, entre autres, le cas de Pierre Lecours, qui dans sa toute dernière pièce s’est laissé entraîner par le désir de ses interprètes d’exprimer cette impasse relationnelle très actuelle. "C’est bizarre, nous avoue-t-il, car au départ je voulais travailler le solo. Et mon premier titre était Les Loups. J’avais donc bâti quelques séquences de mouvements à partir de certaines expressions liées à cet animal, comme par exemple avoir une faim de loup… Mais lorsque j’ai proposé le matériel aux danseurs, ils ont voulu l’expérimenter à deux. Et ça s’est étrangement mis à ressembler à des duos où tout le monde s’égorgeait…"
Un glissement de sens s’est alors naturellement opéré en faveur du thème de l’abattoir comme métaphore obligée du couple moderne, où chacun tente de découper, de remodeler l’autre selon ses propres désirs et caprices, abolissant par le fait même la notion de différence. Dans cet ordre d’idées, le chorégraphe n’est pas bien loin de son intuition de départ de travailler le solo, car qu’est-ce qu’un duo où l’on danse avec un autre "je", sinon deux solos juxtaposés…
Cette neuvième création de Pierre Lecours s’inscrit dans sa lignée linguistiquement semblable de titres (article + nom). "En fait, ça m’a pris quatre pièces avant de me rendre compte que je fonctionnais comme ça. Je choisis des titres courts, car ça n’en dit pas trop long sur l’œuvre. Ce que j’aime du titre Les Abattoirs, c’est qu’à la différence des précédents, il propose un lieu." À ce compte, le chorégraphe nous apprend que la scénographe et conceptrice d’éclairages Lucie Bazzo s’est amusée à transformer l’aspect spatial de Tangente, pour les besoins de la "boucherie" symbolique à laquelle nous assisterons. Aussi, nous explique-t-il, à la différence de ses autres pièces, d’une tendance plutôt narrative, sa nouvelle création prend une orientation davantage poétique. Il cite à cet effet le poème L’enfant qui devint fou d’amour, d’Eduardo Barrios, dont il s’est partiellement inspiré. Et tout comme celui-ci, la pièce du chorégraphe adopte une progression dramatique qui nous fait entrer graduellement, sans trop qu’on s’en rende compte, au cœur du propos. Un propos sombre, certes, mais qui a son effet sur le spectateur. D’ailleurs, à ce compte, la position de Pierre Lecours est claire: "L’œuvre est là pour exprimer une certaine vision du monde. Elle peut donc parfois servir à passer un message…"
Du 2 au 5 décembre
À Tangente
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LES IMPRUDANSES
Il s’agit de la cinquième et dernière édition des Imprudanses pour l’année 2004. La soirée d’impro-mouvement aura lieu le mardi 7 décembre à 20 h, comme à l’habitude au bar universitaire L’Après-cours, situé dans le local JM-100 du pavillon Judith-Jasmin de l’UQÀM. Deux équipes prédéterminées s’affronteront sur scène, accompagnées par des musiciens live. L’événement est gratuit et ouvert à un public élargi, curieux de voir comment le corps peut "bouger autrement"…
Il est à noter que la première édition de l’année 2005 aura lieu fin février, dans le cadre des activités proposées par le Festival Montréal en Lumière, lors de la soirée du Bal moderne organisée par La 2e Porte à Gauche.