Cérémonials : Rite de passage
Plaçant le spectateur en position de voyeur, Cérémonials nous rappelle que l’art est autrement plus efficace que la télé-réalité.
Il est si proche, ce temps où la majorité des familles québécoises se traînait à l’église, beau temps, mauvais temps, et surtout sans trop se poser de questions, qu’entrer dans la pièce de Brigitte Poupart éveille autant de souvenirs qu’elle provoque un certain sentiment de libération, tout ça étant derrière nous. En même temps, il y a un malaise, du genre qui causait des fous rires coupables lors des messes ou des cérémonies d’adieu. Du genre qui prouve que la religion est encore bien présente à notre esprit.
La première partie de Cérémonials est d’un hyperréalisme à couper le souffle. On entre dans cette salle transformée en église (magnifique concept scénographique de l’artiste Michel Hébert) en suivant un prêtre usé et sénile, accompagné de ses fidèles (de ceux qui "campent" littéralement à l’église, qui passent la quête et qui connaissent par cœur le prie-Dieu), pour prendre place sur de véritables bancs d’église. Là, on a droit aux délires du Curé (Luc Proulx), aux présentations de la madame impliquée (l’excellente Isabelle Miquelon), à une chanson pleine de bons sentiments du faux jeune de la pastorale (Justin Laramée), à de réelles performances du chœur et à quelques morceaux de l’inquiétant organiste, tout de "drabe" vêtu, au regard globuleux, interprété savoureusement par Jean Turcotte (qui, soit dit en passant, était remarquable dans le Ferdydurke de Carmen Jolin, il y a quelques semaines, au Prospero). Soudain, la messe est troublée par un jeune entrepreneur (Guillaume Chouinard) qui parle "business" un peu fort dans son cellulaire.
Nouvelle réalité: il faut vendre l’établissement car la communauté religieuse ne peut plus subvenir à l’entretien du temple. Le bâtiment devient donc une niche à condos avec au sous-sol – engagement des promoteurs envers les groupes communautaires oblige – un "parc à vieux". Là, ça se corse. La pièce prend son envol et passe de l’humour noir au triste portrait de la condition des personnes âgées et à celui, peut-être encore plus difficile à accepter, d’une jeunesse abandonnée et accroc aux sensations fortes. Loin d’être réconfortante, la pièce, savamment structurée, est audacieuse et provoque les consciences.
Jusqu’au 18 décembre
À l’Espace GO
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