Gilles Renaud : Changer de costume
Gilles Renaud nous convie à une pièce de Jason Milligan, Des Hommes en habits, dont la trame est le jeu de pouvoir et la manipulation. Rencontre avec un homme occupé.
"On ne fait pas ce métier pour rester à la maison et attendre le téléphone: face à un projet intéressant, je n’hésite pas longtemps à accepter", dit Gilles Renaud. Le comédien sera à l’affiche prochainement dans Des Hommes en habit de Jason Milligan, mis en scène par Denis Bernard. Il faut dire que ces derniers temps, l’acteur de soixante ans n’a pas chômé: on peut le voir dans Littoral (il était également de la distribution de la pièce qui a précédé le film), présentement à l’affiche; il a joué dans Gaz Bar Blues, il jouera dans Le Survenant, et au petit écran il sera dans trois séries qui prendront l’affiche après les fêtes: Cover Girl, René Lévesque et Grande Ourse 2. "J’ai fait quatre films en deux ans, dont D’Artagnan et les trois Mousquetaires, qui vient d’être tourné en France, et cinq séries (Fortier, Temps dur…). Il y a également les téléromans. J’ai toujours travaillé beaucoup, mais là, c’est exceptionnel: ou je viens d’entrer dans un emploi (casting) qui est plus rare, ou bien je suis devenu plus à la mode, je ne sais pas…", dit-il en riant, heureux de sa feuille de route.
"D’abord, il faut dire qu’à part pour Le Survenant, je joue peu de premiers rôles. Donc, souvent, je ne fais que 30 jours de tournage sur 60, ce qui me laisse beaucoup de temps pour autre chose. Mais ce sont de beaux personnages, et c’est difficile pour moi de laisser passer de beaux rôles quand les horaires sont flexibles. Alors j’accepte facilement lorsque, comme c’est le cas dernièrement, les personnages sont très différents les uns des autres, ce qui est stimulant, et que les réalisateurs (Érik Canuel, Louis Bélanger, Louis Choquette et Patrice Sauvé, entre autres) sont des gens en qui j’ai énormément confiance. Et quand arrive sur la table un scénario comme celui de Gaz Bar Blues, je dis à mon agent que, quoi qu’il arrive, il faut que je fasse ça. Alors on négocie les horaires et on y arrive."
FAMILLE ÉLARGIE
Du cinéma, le comédien aime lorsqu’il se crée un sentiment amical, proche de l’esprit de famille, celui qu’il retrouve au théâtre. Pour lui, avoir confiance en la personne qui le dirige est fondamental car cela permet de dire réellement les choses, et ce, des deux côtés. "C’est comme ça qu’on avance!" Aussi, le comédien n’hésite pas à refuser de bons projets, mais dans lesquels il ne se sentirait pas à l’aise. Il a très peu de regrets par rapport à ses choix. "Pendant une longue période de ma vie, je n’ai fait que du théâtre et du cinéma. Mon premier film, c’était Valérie, où je faisais un vendeur de Mercedes, et je crois qu’ils n’ont même pas gardé la scène! Après, j’ai eu un premier rôle dans La Conquête de Jacques Gagné, et là, ça a vraiment commencé à bien rouler jusqu’en 1984, où j’ai joué dans le dernier film de Claude Jutra, La Dame en couleur. Après, ça s’est arrêté. J’ai changé "d’emploi", j’ai changé d’âge. Les réalisateurs et metteurs en scène nous voient dans notre ancienne image et ils ne pensent pas, justement, à notre nouvelle image jusqu’au moment où on fait un rôle qui les surprend. Tranquillement, autour de 1995, j’ai recommencé à tourner, et Gaz Bar Blues a reparti le bal. Mais dans mes périodes plus creuses, qui furent des moments immensément inquiétants (à cinquante ans, je me suis même dit que j’allais tirer la "plogue"!), j’ai toujours joué quand même, parfois des petits rôles, à la télévision et au théâtre."
Parallèlement au jeu, Gilles Renaud s’est investi dans différents aspects du métier: "Depuis 1967-68, j’ai toujours été impliqué dans la gestion du théâtre. J’ai fondé des compagnies et j’en ai dirigé d’autres, je suis devenu directeur de l’École nationale (un appel qui m’a surpris!). J’aime ça aussi, les aspects plus administratifs du métier." Et bien sûr, en bon passeur qu’il est, Gilles Renaud a enseigné. "Ça fait partie de ton devoir d’artiste d’enseigner. En plus, c’est extrêmement valorisant de voir jouer des comédiens qu’on a formés." Du théâtre contemporain, le comédien est impressionné par les trentenaires: "Quand j’étais à la direction du Théâtre d’Aujourd’hui, j’ai lu 125 pièces en l’espace de 10 mois et j’ai réalisé que les auteurs qui ont le plus d’impact sur moi, mais ça se vérifie aussi auprès du public, sont ceux qui ont autour de la trentaine présentement. De façon générale, ces auteurs (hommes et femmes) ont vraiment quelque chose à dire et ils ont réellement un impact sur le public. Ça me rassure que ce soient des gens de cette génération qui s’acquittent le mieux de cette tâche de stimulant, plutôt que des gens de soixante ans, car ces derniers n’écriront plus bientôt. Je pense que la gang de Cheech, les Éternels pigistes, Dominique Parenteau-Leboeuf ou Wajdi Mouawad sont en train de faire des choses importantes et déterminantes. Et c’est pareil en matière de télévision, concernant cette génération."
DES HOMMES EN HABITS
Des Hommes en habits est écrite par l’Américain Jason Milligan (né en 1961), auteur de plus de trente pièces et de nombreux scénarios. La traduction est de Michel Dumont et Marc Grégoire. "C’est une pièce qui fut jouée à New York avec Peter Falk. Je joue Frank, précise Gilles Renaud, un mafioso à la semi-retraite, retiré dans le Vermont, qui vient de donner un contrat à deux hommes, impliquant le meurtre d’un autre. Mais ces gars-là abattent le mauvais homme! Alors ils ont peur d’aller raconter ça au patron, car ce dernier a déjà cassé les jointures d’un collègue et arraché l’œil d’un autre. Ils décident de partir de New York pour s’en venir au Vermont affronter directement le patron. Là, on assiste à un road-theater avec une poursuite en voiture. Pendant ce temps, un homme vient voir le patron, envoyé, dit-il, par un ami commun important. On finit par s’apercevoir que ce type est un acteur (la femme de Frank le reconnaît car il a joué dans un "soap"!) qui vient étudier le personnage de Frank, qu’il devra incarner bientôt à l’écran. Quand ce dernier s’en aperçoit, évidemment, il n’est pas d’accord avec l’idée… En plus, il est fâché, car le film n’est pas écrit par des Italiens." La construction est, paraît-il, des plus habiles, et le tout promet un divertissement simple et fin.
Du 15 au 18 décembre
et du 4 janvier au 5 février 2005
Au Théâtre Jean-Duceppe
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