Le Nouveau Locataire : Branle-bas
Scène

Le Nouveau Locataire : Branle-bas

Le Nouveau Locataire, un Ionesco qu’on a heureusement choisi de déménager à Montréal.

Riche de plusieurs années d’expérience, la Sherbrookoise Pascale Tremblay effectue actuellement une remarquable percée montréalaise avec sa mise en scène du Nouveau Locataire, un texte méconnu d’Eugène Ionesco. Avouons-le d’emblée, la courte pièce écrite dans les années 50 par le maître de l’absurde sert avant tout de prétexte au spectacle créé l’an dernier par le Théâtre du Double Signe. En s’appuyant sur l’anecdote – le déménagement des nombreux biens de Monsieur dans un petit appartement parisien -, la metteure en scène parvient à échafauder une fabuleuse proposition de théâtre d’objets.

La soirée démarre par une rencontre entre Monsieur (Reynald Bouchard, sobre) et la verbomotrice concierge (Jacinthe Tremblay, désopilante). Laissant poindre l’absurde, cette scène sera malgré tout la plus réaliste du spectacle. Dès lors que les quatre déménageurs ont effectué leur entrée, la représentation s’engage dans un affolant maelström. Bien que la chorégraphie de boîtes qui s’ensuit possède une bonne dose de dérision et de surréalisme, c’est grâce au talent des quatre interprètes que cet enchevêtrement de figures acrobatiques et de cabotinages à la Chaplin prend son envol. Rappelant les proportions des frères Dalton, Lilie Bergeron, Antoine Bertrand, Charles Maheux et la metteure en scène elle-même ne perdent pas le rythme un seul instant. À la toute fin du spectacle, lorsque Monsieur se retrouve littéralement enseveli par ses possessions, la conception scénographique révèle son génie. Sans trop en dévoiler, précisons néanmoins que l’espace imaginé par Louis Hudon et la richesse des compositions musicales de Jacques Jobin parviennent à traduire, de manière plus que concluante, la tournure apocalyptique des événements.

Inévitablement, plusieurs verront dans cette conclusion une féroce critique de notre société de consommation. Ils n’auront pas tort, mais la portée de l’œuvre paraît plus vaste encore. Ionesco s’y interroge sur le rapport à l’objet, la peur viscérale de l’Autre et la tendance malsaine au repli sur soi. Sans exclure la réflexion, Pascale Tremblay en fait un spectacle réjouissant et admirablement fluide.

Jusqu’au 18 décembre
Au Théâtre Prospero

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