Contes urbains : Une ville, la nuit
Pour leur 10e, les Contes urbains proposent une sélection de grands crus.
Yvan Bienvenue a réuni une fabuleuse équipe pour souffler les 10 bougies des Contes urbains. Florilège de cette riche décennie de "racontage", l’édition 2004 redonne vie à certains des meilleurs moments survenus entre les murs de La Licorne depuis l’invention du concept par le Théâtre Urbi et Orbi. Au cours des années, Bienvenue a forgé un véritable genre dramatique, un véhicule ancestral et contemporain que d’autres ont voulu emprunter.
Bien que le ton général de la soirée soit à la franche rigolade, trois des contes constituent un radical contrepoint. Ouvrant le spectacle, Stéphane Jacques reprend Les Foufs (l’acte de naissance de l’événement) avec beaucoup de conviction. Plus tard, Marie-France Marcotte endosse corps et âme l’insoutenable Joyeux Noël Julie, une histoire de vengeance créée par Sylvie Drapeau en 1994. France Arbour livre le moment le plus troublant avec Cocaline, un texte qu’elle avait défendu pour la première fois en 1995. Constellé de formules telles "La jeunesse du cœur, c’est de la marde.", ce conte tragi-comique donne la parole à une vieille femme qui récuse le modèle politiquement correct dans lequel on enferme les personnes âgées. Bouleversant, cet appel à l’aide ne nous quitte plus. Entre les passages dramatiques, judicieusement positionnés, le spectateur peut s’abandonner aux bienfaits d’un rire suscité avec intelligence. Harry Standjofski, un comédien aussi doué que peu présent sur nos scènes, livre une performance impressionnante avec Give the Lady a Break, une partition de Jean Marc Dalpé qui aborde la question linguistique de manière désopilante. Geneviève Néron redit Gros cul, une romance peu commune de Bienvenue. Le talentueux Joël Marin reprend La Mort, un des faits saillants de l’édition 2000. Si les contes défendus par Didier Lucien (Le Gars du parking) et Steve Laplante (Minigolf de François Létourneau) s’avèrent moins éloquents, les deux acteurs parviennent néanmoins à les rendre agréables. Assurée par un conteur invité, la huitième intervention revenait le soir de la première à Caroline Lavoie. Cette habituée de l’univers d’Yvan Bienvenue racontait avec délices les hilarantes, quoique funestes, aventures de Sano Mado.
Jean Bard (scénographie) et Matthieu Gourd (éclairages) ont conçu un espace savoureusement kitsch. Un siège recouvert de fourrure blanche, des tentures de velours rouge et des ambiances "féeriques" composent un environnement qu’un Père Noël de centre commercial ne saurait renier. Revisitant certains airs traditionnels de la période des fêtes, les brèves liaisons musicales de François Beausoleil et Fabrice Tremblay traduisent avec vitalité l’esprit de chaque histoire. D’une durée de trois heures, cette édition spéciale ne s’essouffle jamais. En révélant l’envers des célébrations, la face cachée de Noël, les Contes urbains offrent depuis dix ans une tribune aux tragédies quotidiennes et saugrenues des gens ordinaires. Souhaitons que la tradition se perpétue.
Jusqu’au 19 décembre
Au Théâtre La Licorne
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