Les théâtres montréalais 2004 : Pièces à conviction
Scène

Les théâtres montréalais 2004 : Pièces à conviction

Les théâtres montréalais ont offert en 2004 une programmation riche et diversifiée. En voici quelques faits saillants.

HIVER

Au Théâtre de Quat’sous, Brigitte Haentjens porte à la scène La Cloche de verre de Sylvia Plath. Sa direction soignée et l’interprétation rigoureuse de Céline Bonnier valent à ce spectacle un flot d’éloges hautement mérités. À l’Espace GO, Claude Poissant fait découvrir la voix sensible et singulière de François Godin grâce à Louisiane Nord, une production du Théâtre PàP. À l’institut Goethe, Jean-Marie Papapietro dirige Paul Savoie dans une remarquable adaptation de La Promenade, une nouvelle de l’écrivain suisse Robert Walser (en reprise à l’Usine C, dès février).

PRINTEMPS

Sylvain Bélanger du Théâtre du Grand Jour dirige Sophie Cadieux dans Cette fille-là, une pièce percutante de la Vancouvéroise Joan MacLeod. Les spectateurs du TNM sont ravis par L’Hôtel du libre-échange, un Feydeau rondement mené par Normand Chouinard. Les Feluettes viennent tout juste de récolter cinq Masques lorsque le public de l’Espace GO se voit charmé par la nouvelle création de Michel Marc Bouchard et Serge Denoncourt, Le Peintre des madones. Au Quat’Sous, Incendies suscite l’engouement. Célébrée à travers la francophonie, la fresque tragique de Wajdi Mouawad reçoit notamment le prix annuel de l’Association québécoise des critiques de théâtre. Le Rideau Vert remporte un vif succès avec Cabaret, mais traverse la pire crise financière de son histoire. Serge Turgeon, directeur général adjoint de l’institution et figure importante du milieu théâtral québécois s’éteint en mai. À la Salle Jean-Claude Germain, Luce Pelletier du Théâtre de l’Opsis crée La Sirène et le Harpon de Pierre-Yves Lemieux, jusqu’ici la plus convaincante réalisation du Cycle Oreste. René Richard Cyr quitte le Théâtre d’Aujourd’hui, mais prolonge sa collaboration avec Serge Boucher en dirigeant Avec Norm. Benoît McGinnis y livre une interprétation inoubliable.

AUTOMNE

Stéphane Crête et Didier Lucien profitent des ailes que le NTE leur tend pour créer Nicole, un théâtre hallucinatoire des plus emballants. Interpellée par cette audacieuse réalisation, Pol Pelletier revient sur scène après cinq ans d’absence. Entre les murs de l’Espace GO, elle fait entendre la parole occultée des femmes dans un bouleversant solo intitulé Nicole, c’est moi. Au Prospero, le Groupe de la Veillée rend un très bel hommage à la prose vivace de l’écrivain Witold Gombrowicz. Médée-Matériau referme de manière magistrale le cycle consacré par Brigitte Haentjens à Heiner Müller et permet à Sylvie Drapeau d’effectuer un colossal retour au théâtre. Dans les médias, Christian Bégin prend vigoureusement position contre l’inertie de notre époque. Mis en scène par Dominic Champagne au Théâtre d’Aujourd’hui, Circus Minimus se révèle tout à fait à la hauteur des attentes suscitées, volontairement ou non, par son auteur. Chez Omnibus, Francine Alepin a le privilège de créer L’Intimité, une pièce qui a valu de multiples distinctions à la dramaturge acadienne Emma Haché.

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LA PIÈCE PRÉFÉRÉE DE NOS COLLABORATEURS…

JADE BÉRUBÉ: Le choix d’une seule pièce est difficile, alors que plusieurs textes montés cette année, tels Cette fille-là de Joan Mcleod, Suburbia de Eric Bogosian ou encore Doldrum Bay de Hilary Fannin, m’apparaissent être autant d’éclairages essentiels sur la société actuelle. Mais si je dois revenir sur une production particulièrement marquante, de par la maîtrise de son équipe, il s’agit du Médée Matériau de Heiner Müller qu’aura proposé Brigitte Haëntjens à l’Usine C. La qualité de la recherche formelle, toujours au service d’un point de vue social et politique, aura contribué à créer une œuvre aussi dense que magnifique, et ce, à tous les niveaux. J’en suis sortie ébranlée, sceptique, émue.

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STÉPHANE DESPATIE: D’après le roman de Witold Gombrowicz, le Théâtre de la veillée présentait cet automne Trans-Atlantique. L’histoire met l’écrivain polonais au cœur de l’action, qui commence à son arrivée à Buenos Aires en 1939, alors que son pays d’origine vient tout juste d’être envahi. S’en suit un chapelet d’histoires loufoques brillamment rendues par des comédiens exceptionnels (dont Marc Zammit, Denis Gravereaux et Gabriel Arcand, sur la photo) et par une mise en scène remarquable de Téo Spychalski.

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CHRISTIAN SAINT-PIERRE: Au Nouveau Théâtre Expérimental, en avril dernier, Alexis Martin et Daniel Brière proposaient Tavernes, un tendre pèlerinage dans les buvettes de la métropole. Par l’intermédiaire d’une vaste galerie de personnages, cette création traduisait avec authenticité les méandres de l’identité masculine. De la naissance du fils à la mort du père, le particulier y rejoignait l’universel, l’intime y embrassait le collectif.