Revue danse : Mener la danse
Scène

Revue danse : Mener la danse

Composée de retrouvailles et d’œuvres atypiques, 2004 a été une belle année de danse. Nos spectacles préférés.

C’est la Compagnie Marie Chouinard qui a ouvert l’année. En première partie, Lucie Mongrain a su captiver le public jusqu’à la fin avec pour tout décor un carré bleu. Étude no 1 reposait entièrement sur ses épaules, d’autant plus que le son émanait du contact de ses souliers ferrés avec le plancher. Elle avait donc tout le pouvoir de moduler le tempo de la pièce à sa guise. Une danseuse admirable avec un cran d’enfer.

Ludique et viscérale, Chorale mettait ensuite en scène la dizaine de danseurs de la compagnie, des interprètes avec une technique impeccable doublée d’une grande générosité. À travers une gestuelle faite d’ondulations du corps et de mimiques du visage, les danseurs produisent des sons animaux, se bécotent, hurlent à la lune. Beaux dans la laideur et nobles dans le ridicule, à la fois animaux et divins, tous ces êtres humains sont très touchants. Marie Chouinard a vraiment ce don de tout embrasser sans pudeur.

Le mois suivant, les Grands Ballets Canadiens nous ont donné la preuve que la danse peut être accessible et imaginative à la fois. Minus One d’Ohad Naharin est assurément l’œuvre la plus ludique et débridée du répertoire des GBC. À travers cette œuvre-collage, le chorégraphe israélien semble vouloir faire l’éloge de la danse avec tendresse et humour. Les danseurs ont visiblement beaucoup de plaisir à danser et le public a le sourire aux lèvres. Vers la fin, les danseurs racontent même à tour de rôle pourquoi ils dansent. À la suite de ces confidences émouvantes, les spectateurs acceptent spontanément d’accompagner sur scène le danseur ou la danseuse qui vient les chercher dans la salle. Une belle soirée!

En mai, Le Nid faisait vivre une expérience très différente au public. Au départ, le décor semblait bien mignon avec sa montagne de toutous recouvrant la scène, mais on ne regrettera pas longtemps d’avoir laissé les enfants à la maison… La chorégraphe française Nathalie Pernette a en effet totalement détourné les toutous de leur fonction de réconfort pour en faire le décor inquiétant de luttes de pouvoir. Les danseurs malmènent leurs camarades comme des jouets inanimés, puis ils cachent leur méchanceté sous des masques d’animaux en peluche au regard affreusement fixe. Une gestuelle étrangement mécanique, une musique stressante, des toutous qui tombent du ciel… l’effet est réussi!

En dépit de la lumière froide, l’ambiance de Duos pour corps et instruments devait par contre s’avérer tout à fait chaleureuse. C’était le mois dernier. Trois danseuses nous invitaient à entrer dans l’intimité de leurs personnages qu’on peut voir comme trois sœurs aux personnalités très différentes, mais dont les sorts sont liés. Sophie Corriveau, AnneBruce Falconer et Siôned Watkins sont en pleine maîtrise de leur art tant physiquement qu’émotivement. Leur interprétation est tout en subtilité, notamment lorsqu’elles manipulent le feed-back de leur moniteur de son. Vraiment, la chorégraphe Danièle Desnoyers a réussi à rendre l’expérimental accessible et touchant.