Denis Lavalou : Actes de foi
Scène

Denis Lavalou : Actes de foi

Denis Lavalou met en scène trois courtes pièces de Daniel Keene, un auteur australien très populaire en France mais encore jamais monté ici.

Au Théâtre Complice, les pièces sont montées par deux partenaires: Marie-Josée Gauthier et Denis Lavalou. "On essaie de présenter une pièce tous les deux ans, explique ce dernier. C’est une collaboration naturelle et complémentaire, on se questionne toujours sur comment la forme peut rejoindre le fond. Par quel filtre on peut arriver à rendre un sentiment sans trop le jouer, car dans la vie, les gens ne se révèlent pas autant que sur une scène de théâtre!"

Pour les complices, la mise en scène doit chercher d’autres moyens de transmettre une émotion que par le jeu habituel. Aussi sont-ils constamment en quête de textes où la forme est au service du fond, des textes porteurs de sens. "Je ne veux pas faire un travail qui ne soit que formaliste. Il faut rejoindre le corps et la tête, il faut penser mais laisser le corps agir. Le corps est en vie si la pensée l’est." Pour janvier, ils ont choisi trois courtes pièces de Daniel Keene, réunies sous le nom de Roche, papier, ciseaux (qui est aussi le titre d’une des pièces), qui correspondent directement à leur démarche artistique.

Ces trois pièces sont tirées d’un recueil publié en 2000. Avec Deux Tibias, on retrouve la quête énigmatique et apparemment dérisoire d’un errant des grandes villes, alors qu’avec la pièce-titre, on a affaire à un tailleur de pierre au chômage, tourmenté et choqué, qui semble avoir beaucoup de mal à renouer avec la réalité. Avec La Pluie, nous est présentée l’histoire d’une femme à la mémoire défaillante qui tente de recoller des souvenirs personnels, mais qui mesure aussi la nécessité de la mémoire historique. "Quand Keene parle de ses pièces courtes, il parle beaucoup de poésie, de prière, de paroles essentielles. Ce ne sont pas de grandes constructions dramaturgiques; ce sont plutôt des jaillissements qui évoquent beaucoup, et de façon extrêmement précise et économe. Il y a une quête de spiritualité dans chacun de ses personnages, dans chacune de ses pièces."

Keene est un auteur australien contemporain vivant à Melbourne, où il a fondé, avec une metteure en scène, une compagnie qui a monté la plupart de ses pièces là-bas. "Ce n’est pas un homme très reconnu sur son propre territoire, mais en revanche, depuis une dizaine d’années, il commence à être connu et même très reconnu en France. Beaucoup de metteurs en scène chevronnés se sont emparés de son œuvre ces derniers temps."

Si c’est la première fois que Keene est monté au Canada, les choses se passent effectivement autrement à Paris où, cet automne, pas moins de cinq de ses pièces furent présentées. "Il se dit lui-même, bizarrement, un exilé européen dans son propre pays. S’il a pas mal voyagé, on peut dire que son écriture est très européenne et que ses thématiques sont effectivement largement puisées dans l’histoire de l’Europe. Son théâtre n’est pas un théâtre de grandes histoires, mais plutôt de petites histoires, de faits divers qu’il s’approprie et qui rejoignent par la bande le plus grand courant de l’histoire sous un regard tout à fait singulier."

Les pièces de l’Australien, qui a pour maître Samuel Beckett, sont écrites sans ponctuation mais avec des indications quant aux silences. Le tout est très rythmé et entretient une certaine tension; au milieu de cette forme, un problème moral est soulevé. "Il y a toujours une contradiction morale dans ses pièces qui traversent des univers très variés. On retrouve toujours ce souci de pousser les personnages, qui sont souvent dans le plus grand dénuement, que ce soit matériel, moral ou intellectuel, vers le geste qui va les rattacher à l’humanité."

Du 4 au 22 janvier
À Espace Libre

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