Marie Gignac : L'envers du décor
Scène

Marie Gignac : L’envers du décor

Marie Gignac, comédienne, metteure en scène, codirectrice artistique du Carrefour international de théâtre, dirige cet hiver deux pièces, dont Six Personnages en quête d’auteur.

Six Personnages en quête d’auteur

invite le spectateur dans les coulisses du théâtre; il y sera témoin d’une rencontre particulière. Une troupe en pleine répétition est interrompue par six personnages abandonnés par leur auteur; ils veulent raconter leur histoire. Le metteur en scène s’intéresse à ces êtres de fiction qui veulent vivre, et tente de faire jouer leur drame par les acteurs.

Créée en 1921, cette pièce de Pirandello (1867-1936) a d’abord fait scandale avant de connaître un immense triomphe. S’interrogeant sur le théâtre, jouant avec les frontières, parfois ténues, séparant fiction et réalité, ce texte a contribué au renouvellement de la dramaturgie de l’époque; l’auteur y réfléchit en même temps sur l’être humain, sa nature.

Si le "théâtre dans le théâtre" surprend moins aujourd’hui, "la pièce nous pose encore beaucoup de questions sur l’illusion théâtrale", explique Marie Gignac. Premièrement: l’existence du personnage. "Tout au long de la pièce, les personnages abandonnés affirment: "Nous sommes des personnages, mais nous sommes vivants, plus encore que les humains qui, eux, disparaissent lorsqu’ils meurent." Si les personnages poursuivent leur existence dans l’imaginaire, ils n’existent pourtant sur scène qu’à travers les acteurs. C’est un paradoxe total. C’est passionnant, et vertigineux: ça suscite plein de questions auxquelles on est incapables de répondre. Par exemple, où étaient-ils avant? Où vont-ils après? Est-ce qu’ils ont un corps?…"

La pièce présentant une répétition, elle pose de plus la question de la vérité sur scène. "La vérité au théâtre, ça me préoccupe beaucoup, poursuit la metteure en scène. J’aime les trucs simples, intimes, le jeu sobre, dépouillé; on essaie d’être dans ça. Ce que montre la pièce, c’est une répétition. Même si, tous les soirs, les comédiens qui jouent les acteurs improvisent en partie, il y a quand même un canevas extrêmement serré. J’avais envie aussi de montrer au public comment on travaille. Mais ce qu’on montre, en fait, c’est comment on a travaillé, ou comment on a décidé qu’on allait montrer qu’on travaillait… On reste le plus proche possible de la vérité, mais ça reste un spectacle: ce n’est pas une répétition. C’est là que tu t’aperçois que la pièce a raison. Dès qu’on est sur une scène, on n’est plus dans la réalité: on est dans l’illusion théâtrale. Mais cette illusion-là peut être vraie; en fait, Pirandello nous fait chercher la vérité de l’illusion."

Les grands plaisirs de cette pièce? "D’abord, le plaisir intellectuel: c’est une matière riche, complexe, très dense, qui nous joue plein de tours, qui nous prend au piège. Mais surtout, c’est le plaisir de la rencontre avec les gens, la complicité dans l’équipe. J’ai un grand bonheur dans la salle de répétition: j’adore cette espèce d’îlot qu’on se fait entre nous où on essaie de créer de la beauté, du plaisir pour nos congénères."

Du 11 janvier au 5 février
Au Grand Théâtre

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