Jacques Crête : Comme une prière
Jacques Crête, de retour chez lui, incarne à nouveau Blaise Cendrars dans Le Transsibérien.
Après la saison 2003-2004 de l’Eskabel et le spectacle Kassa, terriblement exigeant, Jacques Crête sent le besoin de s’exiler, de partir ailleurs. Fatigué, il désire prendre un peu de recul par rapport à la création et au milieu culturel régional. Il s’envole donc pour la France – un séjour de près de deux mois pendant lequel il nourrit son esprit de nouvelles images et donne un coup de main à une amie comédienne pour une mise en scène. De retour de vacances, il voit son travail d’un autre œil… ou presque.
S’il se laisse toujours tenter par des projets où tout est à créer, l’homme de théâtre saute à pieds joints dans un spectacle qu’il a déjà produit le printemps dernier et où il troque l’habit du metteur en scène contre celui du comédien: Le Transsibérien. Étonnamment, même si sept mois se sont écoulés depuis la dernière représentation, il n’a pas oublié une ligne du livre de Blaise Cendrars, qui raconte son voyage à bord du train mythique. "J’ai repassé le texte deux fois avant les Fêtes. On a fait une répétition cette semaine et on en était là où on l’avait laissé. J’ai dit 28 pages sans problème de mémoire. J’ai tout retrouvé; pour le musicien (Dany Armstrong), c’était pareil. Là, j’ai constaté que si le texte était tellement intégré, tellement présent, même après sept mois, c’est qu’il m’appartenait. Je n’ai pas besoin de le relire pour voir si j’ai fait un oubli. Il ressort tout seul comme une prière!"
Le passionné sent d’ailleurs qu’il maîtrise mieux la pièce. Il a mûri; sa vie s’est enrichie d’autres expériences. Il a même l’impression d’avoir atteint l’objectif personnel qu’il s’était donné. Il rend l’œuvre de l’écrivain français avec un ton plein de douceur, dans une intimité qui invite à l’abandon. "Cela prouve qu’une création grandit comme un être humain; elle naît, puis elle se peaufine. On ne peut pas demander à un être humain de 20 ans d’être ce qu’il sera à 40 ans, raconte Jacques Crête. Pour moi, la création, ça part à zéro, ça naît, puis six mois, un an ou deux après, ça gonfle… C’est une vie! Pour Les Troyennes, à la centième représentation, l’enfant est parvenu à maturité. Il pouvait maintenant s’envoler dans l’espace. Les Troyennes sont allées au bout de leur vie comme un être humain va au bout de la sienne. Le Transsibérien, je ne sais pas s’il est arrivé au bout, mais là, pour moi, il passe proche de s’y retrouver." L’heure du glas vient-elle de sonner?
Tous les samedis jusqu’au 19 février
À L’Eskabel
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