Jonathan Gagnon : Amour-haine
Scène

Jonathan Gagnon : Amour-haine

Jonathan Gagnon, pour sa première expérience professionnelle à titre de metteur en scène, dirige Caresses, du dramaturge espagnol Sergi Belbel. Esprit de contradiction.

Une nuit, 11 couples de personnages anonymes (une mère et sa fille, deux amants, deux vieilles dames dans un hospice, un homme et une femme, un garçon et son père…) ne trouvent, pour combler leur manque d’affection, qu’à dévider leur fiel. "Ils n’ont plus d’inhibitions et se permettent de dire des vulgarités, de vivre des perversités, d’être violents avec des gens qu’ils aiment, observe Jonathan Gagnon. Pour moi, Caresses, c’est des êtres qui vivent un moment ultime de leur vie, qui ont besoin de dire "Je t’aime" à quelqu’un d’important pour eux, mais qui en sont incapables." Entre le titre et le propos, il existe donc une dichotomie à côté de laquelle il n’a pu passer. "L’auteur nous a donné une bonne piste de travail, soutient-il. Il a appelé son texte Caresses, mais c’est super violent. Alors, on ne joue pas ce qu’on dit, on ne joue pas la colère, on y va tout en douceur, pour voir où les mots nous mènent. Je me suis beaucoup inspiré de Pedro Almodovar ainsi que du cinéma et du jeu des Espagnols. On parle, on parle, on parle, on a besoin de dire tout ce qu’on a à dire avant de vivre l’émotion; c’est la parole qui amène l’émotion. Donc, on se fait raconter des histoires plus qu’on ne les voit."

Enfin, en plus d’exploiter le contraste entre le jeu et le discours, dans une pièce au registre qui s’avère lui aussi paradoxal – comme le fait remarquer le directeur, "c’est très quotidien, on fait la cuisine, on écoute la télé, mais en même temps, c’est une tragédie contemporaine" -, la mise en scène souligne l’opposition entre l’être et le paraître. "À l’extérieur, les personnages sont beaux, clean, explique-t-il, mais à l’intérieur, ça pourrit. Ils veulent exprimer tellement de choses sans y arriver que, si on faisait une radiographie, ce serait tout croche. Et c’est ce que j’aime, la laideur, la perversité, la violence… Mais surtout, le fait que ce ne soit pas gratuit. Ce n’est pas pour choquer, c’est que le personnage a cette pulsion, et tout est assumé." De même, la scénographie tranche avec le contexte de l’ensemble: "C’est un texte très réaliste, mais le décor est irréel; c’est un lieu quelconque avec un trou. Le défi était donc de joindre ces deux univers-là pour que ça fonctionne", conclut-il. Des conditions extrêmes, quoi.

Du 18 janvier au 5 février
À Premier Acte

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