Roche, papier, ciseaux : Trois fois passera
Scène

Roche, papier, ciseaux : Trois fois passera

Avec Roche, papier, ciseaux, le Théâtre Complice propose un univers des plus intéressants, celui de Daniel Keene, un dramaturge australien monté pour la première fois au Canada.

En plus de nous faire découvrir un auteur qui se fait de plus en plus remarquer sur la scène internationale, Denis Lavalou et Marie-Josée Gauthier nous proposent un travail tout en finesse. Les deux metteurs en scène ont choisi trois courtes pièces de Daniel Keene qui démontrent tout à la fois la fragilité de l’équilibre humain et la forte capacité de l’espèce à traverser l’apparente absurdité de la vie, comme si derrière chaque geste anodin, derrière chaque épreuve, se cachait une étape importante de la quête du sens.

Présentées comme une trinité, Deux Tibias, Roche, papier, ciseaux et La Pluie sont autant un appel à la dignité qu’un rappel du possible gouffre dans lequel nous pouvons sombrer. Deux Tibias est une sorte de long monologue rappelant beaucoup La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès. On y voit un Daniel Gadouas fort, qui campe une sorte de sans-abri imposant le respect et qui choisit ses mots avec la précision d’un orfèvre. Le débit, le souffle, l’enchaînement des idées, tout indique l’efficacité de l’auteur, qui d’ailleurs frôla la vie d’errance dans le New York des années 80. Le personnage cherche une boîte d’une taille précise et nous cause, lui qui pourtant est si peu bavard. La boîte servira de sépulture à un enfant oublié, elle sera, à défaut d’un sauvetage complet, un moyen pour redonner une certaine dignité.

Cernée par deux monologues, la pièce-titre nous emmène au centre d’une famille bouleversée. L’homme de la maison (Denis Gravereaux), un tailleur de pierre, a perdu son emploi. Sa femme (Marie-Josée Gauthier) tente de redonner confiance à celui qu’elle aime, alors que sa fille (Sharon Ibgui) et son ami (Daniel Gadouas) creusent le fossé qui les sépare un peu plus profondément. Cette pièce s’étire un peu en longueur, mais le jeu des comédiens – celui de Gravereaux est remarquable – contrebalance le tout. Dans La Pluie, Denis Lavalou (cette fois comédien) revêt la peau d’une vieille dame qui, en pelant des légumes méthodiquement, trace des sillons importants de la mémoire historique à travers son histoire personnelle. Un moment de théâtre touchant, souvent subtil et qui dérange avec intelligence.

Jusqu’au 22 janvier
À Espace Libre

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