Toilette de soirée : Lavage en famille
Scène

Toilette de soirée : Lavage en famille

Toilette de soirée est la création 2005 du Théâtre La Rubrique. C’est aussi le tout dernier texte de Richard Thériault. Patric Saucier, metteur en scène, y va de quelques commentaires au sortir de la douche.

Monter un huis clos dans une salle de bain avec 10 personnages. Il faut quand même le faire! Le pari est relevé par Patric Saucier, metteur en scène et acteur bien connu du milieu scénique québécois. "C’est une fête de famille qui tourne au vinaigre", résume le metteur en scène. "Un couple dans la quarantaine profite du départ de la maison de leur fils pour transformer sa chambre en immense salle de bain de luxe. Une fois les travaux terminés, toute la famille est invitée à la pendaison de crémaillère. Voilà la pièce. Il n’y a pas de punch ou de fin en coup de théâtre, mais le trajet est différent de ce à quoi on s’attend, le parcours est tordu entre le début et la fin. On prend la route panoramique au lieu de la voie rapide. On passe d’une situation hilarante à un moment touchant ou tendu. C’est en dents de scie, comme la vraie vie finalement."

À travers les âges et les différentes civilisations, la famille a été mise en scène plus souvent qu’autrement, et le Québec n’est certes pas en reste. Traçant le portrait d’un archétype familial parmi tant d’autres, Toilette de soirée donne à voir une famille qui se bute aux mêmes bibittes. "La ré-union familiale est particulière aux humains, remarque Patric Saucier, aucun autre animal ne fait de réunion de famille!" Pourquoi le fait-on? Pourquoi sentons-nous le besoin, malgré tout, de nous réunir ponctuellement autour de nos parents? Que se passe-t-il lorsque les parents disparaissent et que les enfants perdent leur port d’attache? Cette comédie se place à cette période de questionnement que vivent toutes les familles un jour ou l’autre.

BAIN GREC

"J’ai voulu sortir la famille de la cuisine et du terroir québécois pour montrer l’intemporalité et l’universalité du propos", explique le metteur en scène. "À la lecture de la pièce, j’ai décidé de travailler sur le concept de fatalité." En effet, au théâtre, depuis des lustres, la famille et la fatalité vont de pair, autant dans le théâtre grec que dans celui Shakespeare, des siècles plus tard. "Je me suis donc beaucoup inspiré de la tragédie grecque", raconte Patric Saucier. Le public se retrouvera devant une famille québécoise à laquelle il pourra s’identifier, des situations qui lui sembleront connues, mais aussi un chœur grec avec coryphée et costumes à tendances gréco-romaines. La fatalité n’a ni race, ni classe sociale. Il n’y a pas de degré plus ou moins élevé de fatalité. Elle est entre Agamemnon et Iphigénie, comme entre Aline et Gaston.

Avec l’omniprésence de l’eau, la salle de bain est aussi un lieu évoquant érotisme et luxure. "Comme la pièce se déroule lors d’un party, j’ai voulu faire ressortir tout son côté dionysien, avec les orgies, les excès de toutes sortes. Les gens dans la salle verront le décor, vide au départ, se remplir au fur et à mesure que la fête bat son plein. Tu sais, un décor de lendemain de veille: des coupes vides, des restes dans les assiettes, des bouteilles de vin… on vit dans l’opulence!"

La salle de bain est aussi le dernier recul de l’individu dans une société où l’œil de Big Brother nous suit pas à pas. Bien souvent, elle est la seule pièce verrouillée de la maison, lieu de tabous, de l’intimité la plus secrète. "C’est là qu’on se permet de faire des choses qu’on ne veut montrer à personne", renchérit Patric Saucier. "De même, la nudité de la salle de bain n’est pas la même que celle de la chambre à coucher, par exemple." C’est dans ce lieu chargé de connotations que sont conviés les spectateurs qui assisteront, voyeurs avoués et sans recours au trou de serrure, aux travers et petites manies d’une famille semblable à bien d’autres. L’effet voyeur étant même accentué par le fait que la pièce se déroule en temps réel: pas d’ellipse ou de retour dans le temps, on assiste à 1 heure 40 dans la vie de 10 personnes qui inaugurent une salle de bain!

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DIX COMÉDIENS DANS UNE TOILETTE

Dix comédiens, c’est beaucoup de nos jours. Souvent, budget oblige, on hésite à se lancer dans une telle production. Ne reculant devant rien, le Théâtre La Rubrique s’est engagé dans l’aventure, poussant le défi jusqu’à les faire entrer, tous les 10, dans la salle de bain. Et comme derrière (et devant!) chaque comédien se cache toute une équipe technique, ça en fait du monde entre le bain et l’évier!

Les comédiens: Éric Chalifour, Josée Gagnon, Monique Gauvin, Johanne Grenon, Benoît Lagrandeur, Éric Laprise, Yves Larouche, Guylaine Rivard, Christian Ouellet et Marie Villeneuve.

Et l’équipe:
Mise en scène: Patric Saucier, assisté de Julie Pelletier
Décors: Serge Lapierre
Costumes: Hélène Soucy
Éclairages: Serge Pettersen
Bande sonore: Michel Côté