Gabriel Arcand : Le temps d'une paix
Scène

Gabriel Arcand : Le temps d’une paix

Gabriel Arcand se glisse dans la peau d’un ancien gauchiste embourgeoisé.

L’auteur est yougoslave mais le propos a de quoi faire sourire toute une génération d’enfants de felquistes. C’est que Dusan Kovacevik relate, à travers Le Professionnel, la rencontre de deux anciens ennemis politiques dont les vies ont diamétralement changé avec les années. L’auteur et scénariste du célèbre film Underground d’Emir Kusturica en fait une "triste comédie". "Kovacevik a écrit cette pièce au début des années 90, alors que le communisme totalitaire en Yougoslavie venait de tomber, précise tout d’abord Gabriel Arcand. L’homme que j’incarne est un ancien dissident écrivain, un peu gauchisant, qui s’est fait recycler à la fin du régime totalitaire en cadre, à la tête d’une maison d’édition. L’autre (Onil Melançon) est un ancien membre de la police secrète qui avait pour charge de surveiller le premier. Avec l’assouplissement du régime, ce policier se fait remercier. Il décide alors de remettre à l’ancien dissident toutes les choses qu’il a ramassées durant les 18 années où il l’a surveillé de près. Des écrits, des objets… L’ancien dissident découvre alors que ce type sait une quantité phénoménale de choses de sa vie privée que lui-même a oubliées." Les régimes changent et la nature humaine s’adapte. L’éditeur se laissera toutefois emporter en relisant de vieux discours. Mais le décalage sera souligné.

Si la pièce traite habilement de la jonction des deux régimes, le propos va bien au-delà de la situation politique. "C’est davantage de leur intimité qu’il est question", explique Arcand, visiblement touché par cet entrecroisement de destins. "Il y aura un rapprochement existentiel entre les deux personnages, malgré leurs statuts sociaux contradictoires. Ces deux hommes qui devaient être des ennemis s’avèrent, dans leur existence fondamentale, des gens extrêmement proches l’un de l’autre. Et dans un espace de temps très court – la pièce dure une heure et demie -, on parcourt tout ce trajet avec eux. Le Professionnel parle des fils qui se recoupent parfois étrangement entre les gens, sans qu’on le sache…"

La facture de la mise en scène, signée Teo Spychalski, s’annonce opposée à celle, festive et éclatée, que nous a offerte l’automne Gombrowicz. Ici, l’univers proposé semble bien ancré dans le concret, mis à part une structure textuelle laissant place à quelques apartés introspectifs. "Je crois que les gens qui se plaisent à nous cataloguer seront très emmerdés", lâche Arcand d’un air presque taquin. L’ancien directeur devenu conseiller artistique s’étonne d’ailleurs de l’apparente réputation sibylline du Groupe de la Veillée. "Ce n’est pas parce que l’on présente des pièces d’un répertoire différent que nous sommes automatiquement hermétiques! Par exemple, le fait qu’un auteur soit né à Belgrade ou que son nom soit imprononçable ne rend pas pour autant son théâtre plus difficile d’accès. Il ne s’agit pas comme public d’avoir plus de connaissances artistiques, il s’agit tout simplement d’avoir de la curiosité. L’auteur de Belgrade a un logement, il déjeune le matin, il a une télé! s’esclaffe l’acteur. Et Dusan Kovacevik livre ici un texte brillant qui surprend du début à la fin. Comme un feu d’artifice de surprises."

Du 25 janvier au 19 février
Au Théâtre Prospero

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